Pourvu:
Contexte. L'une des principales questions de la cosmologie et de la physique modernes concerne l'origine de l'Univers tel que nous le connaissons aujourd'hui. Grâce aux progrès considérables réalisés au cours de la dernière décennie, en grande partie sous l'impulsion du satellite Planck dirigé par l'Europe, le décor est planté pour commencer à aborder cette question de manière formelle et précise. Dans ce contexte, la sonde observationnelle la plus prometteuse est le fond diffus cosmologique (CMB) et en particulier sa polarisation. En effet, de nombreuses théories sur les débuts de l'Univers telles que l’inflation cosmique prédisent que des ondes gravitationnelles ont été générées dans les tous premiers instants de l'Univers. Ces modèles invoquent généralement une nouvelle physique au-delà du modèle standard qui détermine les propriétés des ondes gravitationnelles primordiales, lesquelles portent des indices sur la nature de ces nouvelles lois physiques. La détection des ondes gravitationnelles primordiales pourrait donc avoir un impact révolutionnaire sur notre compréhension de la cosmologie et de la physique fondamentale, tout en expliquant l'origine des structures observées dans l’Univers. Cette détection constitue le but scientifique du projet européen SciPol.
La manière la plus prometteuse d'y parvenir est de détecter des schémas de polarisation sans divergence dans l’émission du CMB, appelés les "modes B" qui, au premier ordre, ne peuvent être générés que par les ondes gravitationnelles primordiales. Bien que les expériences récentes aient établi des contraintes strictes sur leur amplitude, il n'existe à ce jour aucune détection convaincante d'un tel signal. Cependant, les efforts les plus avancés, à l’image du Simons Observatory, devraient commencer à atteindre des sensibilités suffisantes pour une détection de ce signal, comme le prédisent de nombreuses théories. Les prochaines années seront ainsi particulièrement prometteuses, passionnantes et fructueuses pour ce domaine de recherche, les preuves en faveur ou contre certains de ces modèles devenant enfin disponibles.
L'impact de la polarisation du CMB est par ailleurs plus large que cela. Elle jettera également un nouvel éclairage sur de nombreuses autres questions clés de la physique moderne, comme celles concernant la nature de la matière noire, la masse totale des neutrinos et leur hiérarchie de masse, ou encore la présence d'espèces de particules relativistes inconnues.
Dans tous ces cas, l'information recherchée est contenue dans de minuscules anisotropies de la polarisation du CMB, qui doivent être récupérées dans les énormes volumes de données collectées par les expériences actuelles et futures ; puis différenciées des autres signaux indésirables ; et enfin caractérisées avec une précision et une robustesse sans précédent. Le signal cosmologique est dominé par des signaux parasites qui correspondent notamment aux effets systématiques instrumentaux et astrophysiques. La méthode développée par le projet européen SciPol est d’étudier la polarisation du CMB et les signaux cosmologiques qui y sont contenus via la modélisation, la caractérisation et la soustraction de ces effets instrumentaux et astrophysiques non-désirables. Ainsi, le succès et l'importance de la polarisation du CMB comme l'une des sondes clés de la cosmologie moderne dépendent du succès de l'analyse des données qui est apparue, au cours de la dernière décennie comme l'une des principales technologies permettant, à côté et au même titre que le progrès instrumental, la réussite de cette entreprise scientifique.
Thèse. La thèse proposée s'inscrit dans le domaine de l'analyse des données du CMB et propose de contribuer à l'effort international d'exploitation du potentiel scientifique de la polarisation du CMB en développant de nouvelles méthodes et techniques adaptées à une caractérisation statistique des signaux de polarisation du CMB. Ces outils et méthodes seront ensuite appliqués à l'analyse des données du Simons Observatory, avec l’optique de les exploiter également dans le cadre des futurs projets CMB-S4 et LiteBIRD.
Le Simons Observatory est un projet international dont la première lumière est attendue pour 2024, et dans lequel le groupe CMB de l'APC est fortement impliqué et joue un rôle important de coordination. Située à 5200m dans le désert d’Atacama, cette expérience de pointe apportera des volumes de données sans précédent et atteindra une sensibilité qui permettra de faire progresser de manière significative l'état actuel de l'art dans ce domaine, en atteignant plusieurs des objectifs scientifiques mentionnés ci-dessus, notamment en apportant de fortes contraintes sur l’amplitude des ondes gravitationnelles primordiales. Dans le cadre du travail de thèse proposé, l'étudiant.e développera un modèle instrumental des “Small Aperture Telescopes” du Simons Observatory, et participera à la caractérisation de ce modèle grâce aux premières données d’observation mais aussi en exploitant les données prises avec un drone de calibration volant au-dessus du site du Simons Observatory.
Les méthodes de caractérisation du modèle instrumental seront conçues et optimisées pour les ensembles de données au sol en tenant compte de leurs caractéristiques typiques : couverture limitée du ciel, bruit hautement inhomogène, modes du ciel manquants en raison du filtrage des contaminations atmosphériques, contributions des capteurs au sol et de l’instrument, et enfin présence de signaux résiduels d'origine astrophysique, galactique et extragalactique, ayant survécu aux procédures de séparation des composantes généralement appliquées pour les éliminer.
La faiblesse de la polarisation en mode B par rapport à d'autres signaux rend l’analyse des données difficile, mais des progrès, même partiels, dans ce domaine auront un impact énorme sur notre capacité à exploiter pleinement le potentiel scientifique des ensembles de données du CMB et, par conséquent, de l'ensemble du domaine. Ils feront de l’étudiant.e un.e véritable leader dans ce domaine scientifique.
L’étudiant.e développera un modèle instrumental complet basé sur le formalisme de Mueller, qui pourra être comparé aux simulations et aux données de caractérisation en laboratoire réalisées par la collaboration Simons Observatory. Ensuite, une caractérisation des paramètres intervenant dans ce modèle sera effectuée grâce aux données de calibration. Le modèle sera une pièce cruciale du projet SciPol, et sera exploité dans d’autres parties de la chaîne d’analyse.
SciPol, la collaboration Simons Observatory et l’équipe à l’APC. L'analyse moderne des données du CMB est un effort multidisciplinaire, qui fait appel à des méthodes statistiques, au traitement du signal, au “machine learning”, au calcul scientifique de haute performance, ainsi qu'à la physique et à la cosmologie. L’étudiant.e aura l'opportunité de collaborer avec des experts dans tous ces domaines, en capitalisant sur les collaborations de recherche actives développées par notre groupe en France et à l'international. Cela lui permettra de développer une expérience de recherche et une formation scientifique large et attrayante,, la.le préparant ainsi à une future carrière dans divers contextes. En outre, l'étudiant.e aura l'occasion de participer concrètement aux campagnes de déploiement et d’observation du Simons Observatory, et de réaliser des visites de longue durée chez nos collaborateurs à Berkeley, Princeton, Tokyo, Milan ou encore Santiago du Chili.
L’étudiant.e aura l'opportunité de devenir un membre à part entière de deux collaborations internationales, Simons Observatory et CMB-S4, qui rassemblent certains des meilleurs experts du domaine, et de développer des projets de recherche personnels avec leurs membres.
Enfin, SciPol est un projet financé par une bourse ERC consolidator (PI: Josquin Errard) qui a commencé au 1er janvier 2023 pour une durée de 5 ans.
L’équipe actuelle compte trois étudiants (1 en première année, 2 en deuxième année). Mi-2023, en plus du doctorant recruté sur ce sujet, un postdoctorant et un ingénieur informatique rejoindront l’équipe. D’autres membres seront recrutés en 2024 et 2025, offrant ainsi un environnement de recherche stimulant et collaboratif.
Références :
https://simonsobservatory.org/
scipol.in2p3.fr (en construction)
Vergès et al. 2020: https://arxiv.org/abs/2009.07814
Jost et al. 2022: https://arxiv.org/abs/2212.08007