Le centre de notre galaxie abrite un trou noir super-massif (SMBH) d'environ 4 106 Msol, associé à une source radio compacte appelée Sgr A*. Avec une luminosité bolométrique huit ordres de grandeur en dessous de sa luminosité d'Eddington, son émission actuelle parait très faible. Il a cependant été proposé à maintes reprises que ce trou noir puisse accélérer des particules jusqu'à des énergies très élevées: si cela est vrai, alors son activité actuelle et passée doit contribuer à la population des rayons cosmiques (CR) galactiques et avoir des manifestations locales et à plus large échelle en terme d’émission gamma. Les nouvelles générations de télescopes Cherenkov capables d'observer l'Univers au delà de 100 GeV ont considérablement augmenté leur sensibilité ainsi que leur résolution angulaire ainsi que leur maitrise des systématiques ces dernières années et ont démontré leur capacité à résoudre des sources à la fois compactes (comme la nébuleuse du Crab) et très étendues (comme l’émission diffuse au Centre Galactique). CTA (Cherenkov Telescope Array), le projet mondial qui assurera le future du domaine augmentera la sensibilité des détecteurs actuels d’un ordre de grandeur, améliorera les capacités en résolution angulaire et étendra le domaine spectral d’environ 20 GeV jusqu’au delà de 100 TeV. Le Centre Galactique sera une cible de choix dés ses premiers mois d'opération.
De part son intérêt scientifique unique, le Centre Galactique a été une des premières cibles d'observation pour H.E.S.S: une source ponctuelle appelée HESS J1745-290 fut détectée à une position compatible avec Sgr A* et une émission diffuse s'étendant sur quelques degrés autour du Centre Galactique fut observée. Cette émission compacte centrale reste pour l’instant non-identifiée. L’émission diffuse est en relative corrélation spatiale avec la distribution de matière interstellaire tracée par la raie du CS dans les 100 pc centraux et présente un profil caractéristique qui est couramment interpreté comme la signature d'une surabondance de particules cosmiques de haute énergie injectées dans la région par un PeVatron positionné au centre de la Galaxie. SgrA* est également une source variable observée sur une large bande multi-longueur d’ondes: de nombreuses éruptions liées à l’accrétion autour du trou noir central ont été détectées en radio, infrarouge proche et en X et apparaissent consistantes avec l’émission synchrotron d’une population l’électrons non thermiques. Aucun signe de variabilité n’a encore été observé au TeV jusqu’à présent, mais avec une sensibilité suffisante l’émission inverse Compton de ces électrons devrait être visible au GeV et au TeV. De plus, une population de hadrons accélérés dans le disque d’accrétion devraient également pouvoir être visible. La découverte récente par FERMI de deux bulles géantes ( Dobler et al . 2010, Su et al . 2010) qui semblent émaner du Centre Galactique et qui s'étendent sur une échelle gigantesque de l'ordre de 10 kpc (les Fermi-Bubbles), est une autre illustration spectaculaire de la particularité de cette région du point de vue de l'accélération des particules. Ces structures détectées au-delà de quelques GeV possèdent un spectre dur s'étendant au moins jusqu'à 100 GeV et leur énergie estimée est de l'ordre de 1055 erg ( Su et al 2010 ). Le mécanisme responsable de l'injection d'une telle quantité d'énergie dans le halo de la Galaxie reste énigmatique.
Motivation & Objectifs :
Grâce à l'amélioration des méthodes de rejet de fond et au développements d’outils d’analyse de haut niveau de nouvelle génération, les détails de la morphologie et la spectroscopie de l'émission diffuse ainsi que de la source HESSJ1745-290 au centre Galactique sont désormais accessibles. Avec sa gamme élargie en énergie et l'amélioration de la sensibilité et de la PSF, CTA va apporter un niveau de détails inédit, qui permettra de tester des modèles plus élaborés d'accélération et de propagation afin, entre autre, de comprendre si SgrA* est à l'origine de l’émission centrale et de l'excès de rayons cosmiques que l'on observe, et si les bulles de Fermi lui sont associées. Un point clé dans l’établissement de cette association concerne l’origine de la source au centre (HESS J1745-290), ses spécificités morphologiques (sa possible extension) et spectrales, ainsi que ses possibles variations temporelles de flux. L’objectif de cette thèse est d’investiguer ces questions en menant de front des développements phénoménologiques et la préparation d’outils adaptés à une extraction optimale du signal avec CTA et son application aux très nombreuses données disponibles de HESS.
Stratégie et axes de recherche :
Cette thèse se concentrera sur l’étude de l’émission de la source centrale HESSJ1745-290, sa connexion possible avec le trou noir au centre de la Galaxie, ainsi que son influence sur la population des rayons cosmiques Galactiques. Elle se déroulera selon trois axes principaux : un axe de préparation et d’optimisation des outils d’analyse de haut niveau de nouvelle génération pour HESS et CTA, un axe dédié à l'exploitation des données de HESS (plus de 600 hr disponibles) avec l'extraction d'une contrainte sur la taille et le comportement spectral intrinsèque de la source centrale, et un axe de modélisation des signatures observables d'une émission issue du trou noir.
Axe 1 – Développement d’outils d’analyse de hauts niveaux
Cet axe se concentrera sur le développement d'outils de haut niveau nécessaires à l'évaluation de la contrainte que peuvent apporter les données de HESS (et plus tard celles de CTA) sur une extension possible de la source centrale et à la séparation de son signal et de l’émission diffuse observée dans les 200 pc centraux. Dans ce cadre, l’extraction précise de l’émission à grande échelle ainsi que des sources localisées et la séparation des différentes composantes du signal sera capitale. Cela ne pourra se faire qu’à travers la maitrise des systématiques liées à l’évaluation du fond d'une part et à l’estimation de la PSF (Point Spread Function) lié aux conditions précises d’observation d'autre part. Le développement d’outils permettant de faire des simulations observation par observation sera une étape cruciale. D'autre part, la séparation des composantes du signal par un ajustement simultané de la morphologie et des caractéristiques spectrales (analyse spectromorphologique dite analyse 3D) sera primordiale pour séparer le signal lié à la source au centre de l'émission plus diffuse. Le travail de développement de ces outils a déjà commencé dans le framework python GammaPy au sein des collaborations HESS et CTA et dans l’équipe AHE de l’APC. L’étudiant(e) prendra une part active dans ces développements et les appliquera à la problématique spécifique du Centre Galactique.
Axe 2 - Application aux données de HESS et premières estimations des capacités de CTA.
L'application des ces outils aux données HESS du centre Galactique (plus de 600h de données sont actuellement disponibles) permettra de dériver une contrainte sur l'extension spatiale minimale de la source au centre et de découvrir de possibles structures à large échelle, potentiellement associées au trou noir central. De plus, l'application de l'analyse spectro-morphologique permettra de caractériser précisément les comportements spectraux des différentes composantes du signal et de les séparer. Ce travail nécessitera une étude poussée de l'émission diffuse dans les 200 pc centraux et une bonne connaissance de la distribution de matière dans la région. L'exploitation totale du très large lot de données de HESS devrait dors et déjà permettre d'apporter des résultats contraignants sur l'origine de la source au centre et de la population des rayons cosmiques dans les 200 pc centraux de notre Galaxie. Ces travaux permettront également d'évaluer plus précisément les capacités de CTA à résoudre ce mystère et à affiner les perspectives pour les prochaines années.
Axe 3 : Modélisation du signal issu du Trou noir central de notre Galaxie en gamma
Etude du régime de propagation des rayons cosmiques dans les régions les plus internes, autour du trou noir central, et de leur interaction avec la matière environnante: déduction des signatures spectrales et de l’extension attendue du signal gamma. Pour évaluer la morphologie et le spectre attendus si le trou noir accélère massivement des particules, nous proposons de construire un modèle de propagation des rayons cosmiques dans les quelques parsecs centraux, région où l’approximation diffusive n’est plus valable. Ce travail se basera donc sur le développement d’un outil de suivi des particules dans une distribution 3D du gaz et du champ magnétique dans les 10 pc centraux. Ce modèle sera ensuite utilisé pour prédire la spectro-morphologie du signal attendu en rayons gamma.
L’évaluation du flux et de la variabilité attendu au TeV pour un modèle de flares de SgrA* contraint sur les données multi-longueur d’ondes existantes. Le but est ici de développer un modèle cinétique radiatif de la population d’électrons accélérés lors d’un flare typique qui s’appuie sur les contraintes issues des mesures récentes obtenues de la radio aux rayons X. Ces mesures montrent que l’émission des flares est de type synchrotron refroidi. Un signal inverse Compton s’étendant au-delà de 10 GeV est dès lors vraisemblable. Le modèle radiatif couplé à la distribution des fluences des sursauts permettra d’estimer la capacité de CTA à détecter un signal variable de cette nature. La contribution d’un fond lié à une éventuelle composante hadronique dans les flares sera étudiée et comparée à la la sensibilité de CTA.
Equipe d'accueil et encadrement :
Cette thèse se déroulera au sein du groupe AHE du laboratoire APC (Astroparticules et Cosmologie), elle sera dirigée en tandem par Anne Lemière et Régis Terrier (HDR). Le travail se fera dans le cadre des collaborations HESS et CTA. L'étude menée inclura des collaborations avec d'autres équipes pour les aspects multi-longueur d'onde et phénoménologiques. Des collaborations existent déjà avec des spécialistes de la propagation des rayons cosmiques comme S. Gabici (APC) et Denis Allard (APC), et du Centre Galactique comme A. Goldwurm (APC), M.Morris (UCLA), G. Ponti (MPE), M. Clavel (IPAG) et F.Melia (U.Arizona).