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Bulletin électronique Septembre-octobre 2003

Entrevue avec Steve Torchinsky : un astronome de l'ASC se joint à l'équipe de l'observatoire d'Arecibo

L'astronome Steve Torchinsky quittait l'Agence spatiale canadienne (ASC) en août dernier pour se joindre à l'équipe de l'observatoire d'Arecibo, à Porto Rico. Apogée a réalisé une entrevue avec M. Torchinsky peu après son départ.

Qu’est-ce qui vous a amené à étudier l’astronomie?

Dès mon plus jeune âge, je m’interrogeais à propos de tout ce qui m’entourait. Je posais toujours des millions de questions. Mon choix pour l’astronomie remonte à l’époque ou j’avais 10 ou 11 ans. Un jour, Mme Dempster, la bibliothécaire de l’école, m’a tendu un livre en me disant simplement : « Lis ça, je crois que tu vas aimer ». C’était un livre de science fiction, et c'est depuis ce temps que je suis fasciné par l’espace. Quand je suis entré au secondaire, je savais déjà que je voulais être un astrophysicien. D’ailleurs, c’est indiqué dans l’annuaire de l’école secondaire!

Quel a été votre cheminement jusqu’à maintenant?

Ma formation en astrophysique n’a pas suivi le cours normal. La plupart des chercheurs en astronomie et en astrophysique obtiennent leur diplôme de premier cycle en physique ou en mathématiques et poursuivent leurs études jusqu’à l’obtention d’une maîtrise et d’un doctorat en physique et en astronomie. Quand j’ai fait ma demande à l’université pour mon diplôme de premier cycle, j’ai visité le Département de physique et de génie mécanique à l’Université McGill. Autant le professeur de génie débordait d’enthousiasme, autant celui qui enseignait la physique était ennuyeux. J’ai donc décidé d’étudier en génie mécanique. Mon professeur de physique au secondaire m’avait dit que la matière étudiée pour obtenir mon diplôme de premier cycle importait peu et que je pourrais toujours étudier l’astrophysique au niveau du doctorat. Cela s’est essentiellement avéré exact, mais le diplôme en génie a eu une influence considérable sur le déroulement de ma carrière par la suite!

Après avoir obtenu mon diplôme en génie mécanique de l’Université McGill, je me suis inscrit à l’Université d’Édimbourg en Écosse où j’ai travaillé quatre ans pour l’obtention de mon doctorat en astronomie. Grâce à ma formation en génie, je me sentais tout à fait à l’aise pour travailler avec des instruments en astronomie. Mon projet de doctorat comprenait la conception d'un élément d’une caméra à onde décimillimétrique qui est encore en exploitation dans le télescope James Clerk Maxwell à Hawaii.

L’autre partie de mon doctorat était consacrée à la modélisation et à l’observation de l’effet lenticulaire gravitationnel par amas de galaxies. La gravité peut courber la lumière et la masse imposante à l’intérieur d’un groupe de galaxies a un effet significatif sur la lumière qui la traverse par sa partie arrière. Cet effet peut être utilisé pour amplifier la lumière provenant de sources extrêmement lointaines. C'est pourquoi nous pouvons dire que nous utilisons le plus grand télescope de l'Univers quand nous faisons cela!

J’ai complété mon doctorat en 1991 et j’ai occupé plusieurs postes depuis. J’ai été associé en recherche à l’Institut Herzberg d'astrophysique qui fait partie du Conseil national de recherches du Canada. En 1995, j’ai commencé à travailler en astronomie spatiale quand l’Agence spatiale canadienne m’a envoyé à la Chalmers University of Technology, en Suède. J’ai vécu pendant près de cinq ans en Suède où j’ai travaillé sur le radiomètre destiné au satellite Odin. Ce dernier a été lancé en 2001 et continue de fonctionner à merveille. Je suis rentré au Canada en 1999, après la livraison du radiomètre. Pendant trois ans, j’ai travaillé avec le chercheur principal canadien pour l’aspect astronomie du satellite Odin, à l’Université de Calgary. Pendant mon séjour à Calgary, j’ai été professeur agrégé adjoint au Département de physique. J’ai quitté Calgary il y a un peu plus d’un an pour me joindre à l'équipe de l’ASC à Saint-Hubert à titre de scientifique de programme en astronomie spatiale. J’ai passé un an au siège social de l'ASC jusqu’à ce que l’occasion se présente de me joindre au personnel enseignant de l’Université Cornell et de travailler à l’Observatoire d’Arecibo.

Comment avez-vous obtenu ce poste? 

Ça faisait longtemps que je songeais à travailler à Arecibo. C’est là qu’on exploite le plus imposant télescope au monde, lequel a apporté des contributions considérables à l’astronomie. Il est à l’origine de travaux de recherche qui ont été couronnés par l’obtention du prix Nobel en physique en 1993.

L’ancien directeur de l’Observatoire d’Arecibo est un scientifique qui a travaillé notamment dans le domaine de la conception quasi-optique. Il connaissait mon travail, surtout ma contribution au projet Odin. Quand j’ai eu vent que l’Observatoire cherchait quelqu’un pour piloter le projet ALFA, j’ai décidé de poser ma candidature. Peu de temps après, j’ai reçu une offre de l’Université Cornell pour me joindre à l’équipe d’Arecibo!

En quoi consistera votre travail à Arecibo?

Nous construisons sur le site d’Arecibo un nouvel instrument qui sera une caméra fonctionnant dans les longueurs d’ondes radiométriques. On l’appelle ALFA pour Arecibo L-Band Feed Array. Aujourd’hui encore, Arecibo, comme presque tous les radiotélescopes, fonctionne à partir de récepteurs à pixel unique. Cela signifie que le télescope géant focalise sur un seul point dans le ciel. Pour constituer une carte, nous devons pointer le télescope à différents endroits de la voûte céleste, et les rassembler par la suite, un par un, pour constituer la carte. Quand ALFA sera en opération, nous pourrons recueillir en même temps des données à partir de sept points dans le ciel. Nous serons donc en mesure de travailler sept fois plus vite. Mais chaque pixel nous donne plus de renseignements que la quantité radio en un point donné; il nous donne toute l’information contenue dans un spectre de signal radio. ALFA sera donc capable de produire des quantités énormes de données!

Je suis présentement responsable de l’équipe chargée de construire l’instrument. Nous sommes environ une dizaine de personnes à travailler sur ALFA à Arecibo, et il y en a d’autres à l’Université Cornell. Nous avons aussi des collaborateurs au National Telescope Facility en Australie. ALFA sera utilisé par des astronomes du monde entier, dont un bon nombre de Canadiens qui surveillent de près l’évolution d’ALFA. Parmi ces derniers, on compte des scientifiques des universités McGill, Laval et de Calgary.

Y-a-t-il des sujets d’intérêt particulier que vous aimeriez personnellement étudier au moyen de ce télescope extrêmement puissant?

Il y a eu dans l’Univers un moment où il n’y avait pas d’étoiles. Tout était noir et froid avant la naissance de la première d’entre elles. On appelle cette période « l’âge sombre cosmique ». Les seules matières alors présentent dans l’univers étaient de l’hydrogène et des traces de quelques éléments un peu plus lourds comme le deutérium et le lithium. Comme il faisait très froid, l’hydrogène émettait peu de rayonnements, mais puisqu’il y en avait à profusion, il est peut-être encore possible d’en détecter des traces qui remontent à cette époque. Il s’agit d'une expérience très difficile, et elle pourrait même se révéler au-delà des capacités d’Arecibo. Mais ce serait très intéressant de détecter ce signal antérieur à la naissance des étoiles dans l’Univers.

Quels conseils prodigueriez-vous aux jeunes astronomes amateurs qui désirent faire carrière en astronomie?

Je donne toujours le même conseil aux jeunes gens qui doivent prendre des décisions concernant leur future carrière. Vous devriez vous lancer dans ce qui vous passionne le plus. Ne vous préoccupez pas du futur marché de l’emploi. Si ce que vous faites vous intéresse et si le sujet vous enthousiasme, vous trouverez certainement une place dans un institut de recherche quelque part. Mais vous devez être prêt à voyager! Aux futurs astrophysiciens et astronomes, je leur recommande d’obtenir un diplôme en physique et de suivre des cours en astronomie. Il serait également intéressant qu’ils changent d’université pour faire leur doctorat. C’est très important de puiser ses connaissances chez plusieurs personnes et la meilleure façon de le faire consiste à fréquenter différentes universités.

Croyez-vous revenir un jour au Canada pour poursuivre votre carrière?

Chaque étape de ma carrière a été une surprise pour moi. J’ai vécu dans des endroits où je n’aurais pas pensé vivre, même l’année précédente. Pour l’instant, J’ai un engagement de trois ans à Arecibo, mais après cela, je pourrais fort bien revenir au Canada. Tout dépendra des occasions qui se présenteront dans trois ans, et cela, personne ne peut le prédire!


Steve Torchinsy à l’Observatoire d’Arecibo. L’immense coupole du poste récepteur grégorien apparaît clairement dans le haut de la photo. Les instruments sont placés dans la coupole qui est suspendue par des câbles à une hauteur de 137 mètres au-dessus du principal réflecteur du télescope. Les câbles sont supportés par trois tours. On peut voir l’une d’entre elles dans le coin supérieur gauche de la photo. Le réflecteur de 305 mètres de diamètre occupe tout le fond de la vallée!


Steve Torchinsky au sommet de la coupole du récepteur.


L'obervatoire d'Arecibo fait partie du Centre national pour l'astronomie et l'étude de l'ionosphère (National Astronomy and Ionosphere Center - NAIC) exploité par l'Université Cornell.  

Dernière mise à jour : 2003/10/09
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