5 - Le trou dans le calendrier Le grand problme auquel devait faire face la commission Žtait de concevoir un calendrier suffisamment prŽcis pour toutes les utilisations pratiques, mais suffisamment simple pour que les mathŽmaticiens ne soient pas les seuls ˆ pouvoir l'utiliser. Le calendrier de Jules CŽsar, avec sa rgle d'ajouter un jour supplŽmentaire au mois de fŽvrier une annŽe sur quatre, Žtait merveilleusement simple mais imprŽcis comme nous l'avons vu. Certains astronomes recommandaient des rgles qui Žtaient si prŽcises que les erreurs accumulŽes en un million d'annŽes ne dŽpasseraient pas un jour, mais aucun prtre de village cherchant ˆ calculer le jour de P‰ques chaque annŽe ne serait capable d'exŽcuter les calculs exigŽs par ces rgles. Un critique de ces rgles compliquŽes remarqua : "P‰ques est une fte, pas une plante." La commission dŽcida des rgles suivantes. Les annŽes qui ne sont pas divisibles par quatre dureraient 365 jours. Les annŽes divisibles par quatre mais pas par cent seraient bissextiles et dureraient 366 jours, le jour supplŽmentaire Žtant ajoutŽ ˆ la fin du mois de fŽvrier. Les annŽes divisibles par 100 mais pas par 400 n'auraient que 365 jours. Enfin les annŽes divisibles par 400 seraient bissextiles. Par exemple, les annŽes 1584, 1588, 1596 et 1604 seraient bissextiles, mais non pas 1700, 1800 et 1900, tandis que 1600 et 2000 le seraient. Ces rgles sont un compromis entre la simplicitŽ et la prŽcision. Bien qu'elles soient plus complexes que les rgles du calendrier julien, elles ne sont pas trop difficiles ˆ ma”triser par la plupart des gens. Quant ˆ leur prŽcision, l'erreur en 10 000 ans serait de 2 jours, 14 heures et 24 minutes. En 40 000 ans, l'erreur cumulŽe serait donc de onze jours et demi, soit ˆ peu prs l'Žcart que de GrŽgoire XIII voulait corriger. En l'an 41 582, le pape GrŽgoire CXIII convoquerait peut-tre une nouvelle commission pour une nouvelle rŽforme du calendrier. Mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs. La commission avait un autre problme ˆ rŽsoudre. Que devait-on faire des erreurs accumulŽes par le calendrier julien depuis l'an 325, qui avaient eu pour effet de dŽplacer le vrai Žquinoxe de printemps au 11 mars au lieu du 21 mars comme l'avait dŽcrŽtŽ le concile de NicŽe ? Il Žtait clair qu'il fallait simplement supprimer certaines dates. Mais lesquelles ? Et quelles seraient les consŽquences de supprimer des dates ? Avant mme que la commission ne rende son rapport au pape GrŽgoire, circulaient des rumeurs au sujet de dates qui seraient supprimŽes du calendrier de l'annŽe 1582. Aprs tout, quand un groupe d'une douzaine de membres se rŽunit pour discuter de questions d'importance publique, il est presque inŽvitable que surviennent certaines fuites concernant les dŽlibŽrations de ce groupe, et les petites fuites provoquent de grandes rumeurs. Certains rumeurs prŽtendaient que les prts devraient tre remboursŽs dix jours plus t™t que si l'on avait gardŽ le calendrier julien. D'autres rumeurs affirmaient que les semences ne sauraient pas quand elles devraient germer dans la terre. D'autres encore proclamaient que les oiseaux ne sauraient pas quand commencer leur migration vers le sud en automne. Le 7 janvier 1582, il y eut une Žclipse partielle de Soleil visible depuis Bologne. Ma”tre Vittorio avait prŽvenu ses Žlves de cet ŽvŽnement, et les avait avertis de ne par regarder directement le Soleil, de peur de bržler leurs yeux, mais de le regarder par rŽflexion sur une feuille de papier. Ce n'Žtait pas une Žclipse totale, au cours de laquelle la Lune cache entirement le Soleil pendant quelques minutes et permet aux gens de voir la merveilleuse couronne briller autour du bord du Soleil. Cette fois, la Lune masqua d'abord une petite fraction de la surface du Soleil, puis une fraction de plus en plus pour grande jusqu'ˆ ce que les 9/10 du Soleil soient cachŽs, puis le mouvement de la Lune dŽcouvrit graduellement le Soleil. Ce processus prit environ deux heures et demie en tout, et ˆ son milieu, quand le Soleil Žtait le plus masquŽ, le ciel paraissait Žtrangement sombre. Peu aprs le dŽbut de l'Žclipse, la nouvelle s'en rŽpandit rapidement ˆ travers ˆ la ville, et la crainte monta au fur et ˆ mesure que le Soleil Žtait masquŽ. Certains se rŽfugirent dans leurs maisons, verrouillrent les portes et fermrent leurs volets. Beaucoup allrent prier dans les Žglises. Les rues et les boutiques Žtaient pratiquement dŽsertes. Le chef de la police, le capitaine Arcangelo, alla faire son rapport ˆ la fin de l'Žclipse au seigneur Antonio Domitiani, le gouverneur de Bologne, selon la procŽdure habituelle quand une crise arrivait dans la ville. Le gouverneur posa les questions habituelles : "Y a-t-il eu des pillages ?" Le capitaine rŽpondit : "Non, Votre Excellence." " Y a-t-il eu des incendies dans les rues ?" "Non, Votre Excellence." " Y a-t-il eu des personnages suspects ?" "Seulement les individus habituels, Votre Excellence." "Qu'ont fait les gens ?" "Ils ont arrtŽ le travail, Votre Excellence. Beaucoup ont priŽ." "Eh bien, cela ne fera pas trop de mal." Les deux hommes d'expŽrience s'accordrent sur le fait qu'il s'agissait d'une crise mineure, en rien comparable ˆ l'Žclipse totale de 1572. Le soulagement du capitaine Arcangelo et du seigneur Domitiani Žtait nŽanmoins prŽmaturŽ. Le jour suivant, le capitaine se prŽsente au gouverneur sans tre attendu et il paraissait extrmement agitŽ. "Votre Excellence, il Torrentino a dŽbordŽ." Vous pourriez croire que le capitaine faisait Žtat de dommages causŽs par une rivire sortie de son lit, gonflŽe par des pluies d'hiver, puisque que le mot italien Torrentino signifie petit torrent. En rŽalitŽ, le capitaine faisait allusion ˆ un ermite nommŽe Fra Zaccaria, qui vivait en gŽnŽral seul ˆ l'intŽrieur d'une tombe dŽsertŽe de l'ancien cimetire Žtrusque de Felsina, ˆ l'ouest de Bologne. De temps ˆ autre il pŽnŽtrait dans la ville trs excitŽ et rassemblait autour de lui une foule ˆ laquelle il prchait au sujet d'un mal qui le troublait. Il ressemblait ˆ une petite rivire qui restait ˆ sec pendant la plupart de l'annŽe et dŽbordait durant la saison des pluies, causant parfois de grands dommages. Certains des pauvres gens de Bologne pensaient que c'Žtait un homme saint et Žcoutaient avec attention ses sermons, tandis que beaucoup d'autres avaient des doutes sur sa saintetŽ mais craignaient ses malŽdictions et son mauvais Ïil. Le gouverneur demanda : "Que dit il Torrentino ?" Le capitaine rŽpondit : "Il s'insurge au sujet de l'Žclipse." "Cela ne peut causer aucun trouble," rŽpondit le gouverneur, "puisque l'Žclipse est passŽe et n'a lŽsŽ personne." "Il dit qu'elle n'a lŽsŽ personne encore, mais que c'est un signe de choses terribles ˆ venir." "Quelles choses ?" demanda le gouverneur. "Il dit que si le calendrier est changŽ, comme des gens le prŽtendent, les cieux seront dŽchirŽs et le Soleil sera avalŽ pour toujours. L'Žclipse a ŽtŽ envoyŽe comme un avertissement de laisser en paix l'ancien calendrier." Le gouverneur demanda pourquoi il Torrentino pensait que le changement des dates assignŽes aux jours pouvait causer un dommage quelconque aux cieux. Le capitaine rŽpondit : "Il dit que dix jours vont tre supprimŽs du calendrier, et que par consŽquent ces jours vont tre dŽtruits bien qu'ils n'aient commis aucun pŽchŽ." "Que dit la foule ?" demanda le gouverneur. "La foule dit que dix jours innocents vont tre dŽtruits." "Pourquoi s'en soucient-ils ?" demanda le gouverneur. "Il Torrentino leur dit qu'ils vont perdre dix jours de leur vie." "Et que disent-ils de cela ?" "Ils disent : "Rendez-nous les dix jours de notre vie."" Le gouverneur demanda alors si il Torrentino lanait quelque menace contre le pape GrŽgoire qui avait nommŽ la commission de rŽforme du calendrier. Le capitaine rŽpondit : "Il Torrentino dit que le pape GrŽgoire est un pape innocent mais simple, auquel des avis nŽfastes sont donnŽs par ses conseillers, en particulier par le mathŽmaticien allemand Clavius, un serviteur du dŽmon qui fait de la magie noire avec des nombres et des pentagrammes, et dont le nom ŽpelŽ ˆ l'envers est Suivalc, ce qui est un des 666 noms cachŽs de Satan." Le gouverneur demanda : "Que dit la foule ?" "Elle clame: "DŽtruisons Suivalc et tous ses Žcrits diaboliques." Les gens projettent de marcher sur la librairie de l'universitŽ de Bologne pour bržler tous les Žcrits de mathŽmatiques et d'astronomie." Le seigneur Domitiani dit : "Il Torrentino et sa foule peuvent faire tout le bruit qu'ils veulent, mais ils ne doivent pas dŽtruire les biens. Ordonnez ˆ vos hommes de disperser la foule. Et invitez poliment il Torrentino ˆ venir dans mon bureau, o il aura la possibilitŽ de me persuader." Il ajouta avec une certaine fiertŽ suffisante : "Un gouverneur qui ne sait pas comment manier les personnages de l'acabit de il Torrentino ne mŽrite pas d'tre gouverneur." Le seigneur Domitiani prŽpara l'arrivŽe de son visiteur en ordonnant ˆ ses serviteurs de disposer un autel dans son bureau, de l'entourer des statues des divinitŽs romaines Jupiter, Mars, VŽnus et Mercure, de placer parmi elles un buste de Jules CŽsar et de poser un exemplaire du calendrier julien de l'an 1582 sur l'autel. Quand il Torrentino pŽnŽtra dans son bureau, le gouverneur Domitiani l'accueillit avec un grand respect. Puis il lui dit : "Fra Zaccaria, il est rare que j'aie le privilge de recevoir un homme aussi savant et saint que vous-mme dans mon bureau. Avant que nous commencions ˆ discuter affaires, voudriez-vous dire une prire pour mon ‰me et pour la ville de Bologne ?" Puis il conduisit l'ermite ˆ l'autel improvisŽ. Il Torrentino restait rarement muet, mais il Žtait stupŽfait par cet autel pa•en prŽparŽ pour lui. Finalement il s'exclama : "Ce sont lˆ des abominations, des idoles gravŽes, des faux dieux. Vous serez Žternellement damnŽ pour cet autel diabolique. Quant ˆ moi, je prŽfre bržler sur un bžcher plut™t que murmurer une prire dans un endroit aussi vil." Le gouverneur n'Žtait pas aussi facilement effrayŽ que les mendiants de Bologne par les malŽdictions de il Torrentino, et il dit calmement : " Mais RŽvŽrend Pre, si vous regardez sur cet autel vous verrez un exemplaire du calendrier julien, dont vous prchiez ˆ l'instant le caractre sacrŽ devant le Palazzo Communale. Et il y a un buste du bienheureux Jules CŽsar, qui dŽcrŽta ce calendrier julien si sacrŽ. Vous devriez trouver cet autel appropriŽ ˆ vos prires." Maintenant Fra Zaccaria avait rŽellement perdu ses mots, et le seigneur Domitiani employa cet inhabituel intervalle de silence pour faire ˆ son invitŽ un exposŽ sur l'inexactitude du calendrier julien, le dŽcalage de la date assignŽe ˆ l'Žquinoxe de printemps, et la dŽrive progressive de P‰ques vers le solstice d'ŽtŽ alors que la religion exige que ce soit une fte de printemps. Il conclut alors : "Le nouveau calendrier que le pape GrŽgoire, notre Saint Pre, proclamera bient™t sera un vrai calendrier chrŽtien, tandis que l'ancien calendrier de Jules CŽsar est une relique du paganisme." Fra Zaccaria Žtait un homme excitable mais il n'Žtait pas aussi fou que certains le croyaient. Il pouvait voir la force des arguments du seigneur Domitiani, et il Žtait Žgalement trs conscient que le seigneur Domitiani disposait d'autres mŽthodes, moins polies et moins agrŽables que celle-ci, pour traiter ses opposants. Bref, bien qu'il soit entrŽ dans Bologne ce matin-lˆ comme il Torrentino, il repartit l'aprs-midi comme le tranquille Fra Zaccaria, converti au calendrier grŽgorien. Aprs qu'il soit parti, le seigneur Domitiani dit ˆ ses assistants : "Il reviendra ˆ Bologne l'annŽe prochaine ou l'annŽe suivante, prchant peut-tre contre les mŽthodes malhonntes des marchands de Florence, la Babylone de l'Arno, ou des commerants de Ravenne, la Sodome de l'Adriatique. Il Torrentino peut parfois tre utile quand il dŽborde." Au mois de janvier, Tibaldo avait ŽtŽ mis au courant des rumeurs sur la rŽforme du calendrier. Il avait appris depuis longtemps de Ma”tre Vittorio les failles du calendrier julien, et rŽcemment Vittorio avait reconnu qu'il avait fait une erreur en prŽdisant qu'aucune personne d'autoritŽ n'essaierait de corriger ces dŽfauts. La perspective d'un changement du calendrier ne troublait nullement Tibaldo. Il comprenait qu'un changement du calendrier ne changerait rien au comportement de la nature, car les calendriers ne sont que des instruments humains pour garder le compte des jours. A onze ans, Tibaldo Žtait dŽjˆ assez fier de ses connaissances et il regardait de haut il Torrentino et ses suivants comme de vulgaires ignorants. Que pouvait-il y avoir de plus stupide, pensait Tibaldo, que de croire que les nombres attribuŽs aux jours de l'annŽe Žtaient dŽfinis par la nature, et que les cieux seraient perturbŽs si l'on retirait dix nombres du calendrier ? Tibaldo se sentait supŽrieur ˆ de telles croyances idiotes. Le pape GrŽgoire XIII proclama le nouveau calendrier le 24 fŽvrier 1582. Il imposa les rgles pour calculer les annŽes bissextiles que la commission avait recommandŽes. Il accepta la recommandation de supprimer dix jours du calendrier pour corriger les erreurs accumulŽes par le calendrier julien. Plus prŽcisŽment, il ordonna que le jour qui suivrait le 4 octobre serait le 15 octobre, et que les dates comprises entre le 5 et le 14 octobre n'existeraient pas en 1582. Ainsi en 1583 l'Žquinoxe de printemps arriverait le 21 mars, et ne s'Žcarterait jamais du 21 mars de plus de deux jours au cours des trois mille annŽes suivantes. Les deux premires semaines d'octobre avait ŽtŽ choisies pour supprimer dix jours car aucune fte importante de l'ƒglise n'avait lieu ˆ ce moment. Des messagers furent envoyŽs du palais du Vatican ˆ Rome porter la proclamation au sujet du calendrier, et en quelques jours la nouvelle arriva ˆ Bologne. Elle atteint Tibaldo et ses camarades d'une manire inhabituelle. Le professeur qui surveillait la traduction du latin en italien aimait surprendre ses Žlves avec des pages qu'ils n'attendaient pas et qu'ils ne pouvaient pas prŽparer ˆ l'avance. Quelle meilleure surprise qu'une page de latin venant juste d'tre Žcrite, aussi fra”che que le journal du matin aujourd'hui ? Aussi quand le professeur, allant de sa maison ˆ l'ƒcole Saint-Joseph, vit un messager afficher la proclamation du pape devant le Palazzo Communale, il le recopia pour l'utiliser dans sa classe du matin. L'exercice de traduction commena avec les magnifiques premiers mots de la proclamation du pape GrŽgoire "Inter gravissimas pastoralis officii nostri curasÉ (Parmi les plus importantes responsabilitŽs de notre office de pasteurÉ)" et continue avec le passage en revue des dŽfauts du calendrier julien et l'affirmation des rgles du nouveau calendrier. Comme toujours, deux douzaines d'Žlves commencrent ˆ Žcrire la traduction en italien sur leurs ardoises, et Tibaldo parmi eux. Aprs quatre annŽes passŽes dans l'Žcole de Ma”tre Domenico, il traduisait automatiquement, une langue pŽnŽtrant par les oreilles et l'autre sortant par les doigts, pratiquement sans rŽflŽchir. Aprs une demi-heure, la dictŽe fut terminŽe. Le professeur commena ˆ parcourir les allŽes pour vŽrifier l'exactitude des traductions tandis que les vingt-quatre garons tentaient de se dŽbarrasser des crampes de leurs doigts qui avaient Žcrit trop vite. Tandis que Tibaldo attendait que le professeur examine son ardoise, il regarda ce qu'il avait Žcrit. Dans l'ensemble il n'Žtait pas surpris. Il avait appris de Ma”tre Vittorio les dŽfauts de l'ancien calendrier et il avait entendu des rumeurs sur les recommandations de la commission du pape GrŽgoire. A l'ƒcole Saint-Joseph, l'un des dŽbats que Ma”tre Domenico aimait arranger concerna prŽcisŽment le caractre dŽsirable d'un nouveau calendrier, et Tibaldo avait argumentŽ avec intelligence et beaucoup de conviction en sa faveur. Ce qui Žtait nouveau pour Tibaldo et qui le prit par surprise fut que les jours entre le 5 et le 15 octobre seraient supprimŽs en 1582. Il y aurait un trou dans le calendrier ! Et la chose la plus importante qui tombait dans ce trou du calendrier serait le 10 octobre, l'anniversaire de Tibaldo ! Il avait dŽjˆ cŽlŽbrŽ son onzime anniversaire en 1581, il aurait son treizime anniversaire en 1583, mis son douzime anniversaire n'aurait jamais lieu ! Le trou dans le calendrier signifiait qu'il y aurait un trou dans sa vie ! Sans rŽflŽchir, Tibaldo s'exclama ˆ haute voix : "Je vais perdre mon anniversaire !" Le professeur remonta vivement l'allŽe et lui fit face, en lui demandant : "Bondi, qu'avez-vous dit ˆ l'instant ?" Parler ˆ haute voix en classe sans permission Žtait strictement interdit, et la pŽriode au cours de laquelle les traductions Žtaient contr™lŽes devait tre la plus calme de toutes. Tibaldo revint ˆ lui et commena ˆ s'excuser, mais il n'expliqua pas pourquoi il avait criŽ. Il savait le professeur si bornŽ et insensible qu'il n'apprŽcierait jamais la vraie explication. Le professeur n'accepta pas les excuses de Tibaldo et il lui fit tendre les mains pour recevoir un coup de la badine qu'il portait toujours. Tibaldo retint ses larmes et ne dit rien. La punition le mit pourtant en colre, et sa colre se mla ˆ la douleur de perdre son anniversaire. Chaque tourment rendait l'autre plus pŽnible encore.