Higgs (ATLAS/FCC)

Particules du modèle standard de la physique des particules (Image: Daniel Dominguez/CERN)


Le boson de Higgs (H) joue un rôle de premier plan dans le modèle standard (SM) de la physique des particules : le champ de Higgs associé, qui imprègne l'Univers, est responsable de la rupture spontanée de la symétrie électrofaible et de l'origine des masses des particules élémentaires. Son rôle dans la théorie et ses propriétés atypiques (notamment son spin 0) en font un sujet d'étude fondamental, qui pourrait également avoir des implications cosmologiques potentielles.

Depuis mars 2021 une équipe "Higgs", travaillant sur la mesure des propriétés du boson de Higgs avec les données de l'expérience ATLAS (A Toroidal Large ApparatuS) au Large Hadron Collider (LHC) du CERN et sur la préparation du projet Futur Circular Collider (FCC) a rejoint le groupe Particules d'APC.

 

ATLAS

L'expérience ATLAS (Figure 1) est un détecteur polyvalent de 46 m de long, 25 m de haut, pesant 7 000 tonnes, situé à environ 100 m sous terre autour de l'un des points de collision des faisceaux contrarotatifs du LHC. Il se compose de six sous-systèmes de détection différents disposés concentriquement, pour enregistrer les impulsions et les directions des particules produites lors des collisions entre les protons qui circulent dans le LHC. Les quantités mesurées sont utilisées pour étudier un large éventail de processus physiques, tels que les interactions fortes, la production électrofaible de bosons W et Z, les propriétés du quark top et du boson de Higgs, et pour rechercher des phénomènes hypothétiques au-delà du modèle standard, tels que des dimensions supplémentaires ou les particules de matière noire.

Figure 1. The ATLAS detector

Après les deux premières phases d'acquisition de données (Run 1 : 2010-2012, Run 2 : 2015-2018), le LHC est entré dans sa troisième période d'acquisition de données (Run 3 : 2022-2025), qui sera suivie d'une arrêt de 2 ans pour la mise à niveau des détecteurs et du collisionneur, qui conduira à la phase dite de haute luminosité du LHC (HL-LHC : 2028-2040). L'énergie de collision dans le centre de masse de protons est graduellement monté de 7-8 TeV (Run 1) à 13 TeV (Run 2) jusqu'à 13.6 TeV (Run 3); elle devrait attendre sa valeur nominale de 14 TeV au HL-LHC.


Contributions scientifiques

Depuis le début de la prise de données au LHC, notre équipe s'est concentrée sur la physique du boson de Higgs. Il a contribué à sa découverte au LHC Run 1 en utilisant ses désintégrations en deux photons [1], et à la démonstration de ses couplages Yukawa aux fermions du SM par l'observation de ses désintégrations en paires de quarks bottom avec les données du Run 2 [2]. Nous avons également mesuré la masse du boson de Higgs avec les désintégrations en 2 photons et recherché les désintégrations rares du boson de Higgs en un boson Z et un photon.

Ces dernières années notre équipe a travaillé sur les analyses suivantes de l'ensemble complet des collisions proton-proton (pp) collectées par ATLAS pendant le Run 2 du LHC :

  • La mesure des sections efficaces de production du boson de Higgs à l'aide des désintégrations H→bb [3] et H→γγ [4]. La désintégration H→bb a un rapport de branchement important (58 %) mais souffre d'un bruit de fond important dû à la production forte d'hadrons, tandis que la désintégration H→γγ a un faible rapport de branchement (0,22 %) mais des bruits de fond beaucoup plus faibles. Les sections efficaces sont mesurées en fonction de plusieurs grandeurs cinématiques qui permettent de sonder différents mécanismes de production du Higgs et de rechercher des écarts par rapport aux prédictions du SM. Toutes les mesures sont en accord avec les prédictions du modèle standard et des contraintes sont placées sur les couplages Yukawa du boson de Higgs aux quarks bottom et charm et sur les couplages anormaux du boson de Higgs aux bosons vecteurs dans le cadre d'une théorie des champs effectifs du modèle standard.
  • La recherche la plus sensible de la désintégration rare (jamais observée avant) du boson de Higgs en [5]. Un petit excès par rapport au bruit de fond attendu a été trouvé dans les données. La valeur la mieux adaptée pour le rendement du signal normalisée par rapport à la prédiction du modèle standard était de 2,0 ± 1,0 ; un excès similaire a été trouvé par CMS, ce qui pourrait suggérer un écart possible par rapport à l'attente SM qui sera étudié plus en détail avec plus de données dans le Run 3. La combinaison de nos résultats avec ces obtenus par CMS [6] a permis de mettre en évidence pour la premiere fois cette désintégration rare.
  • La recherche de la production de paires de bosons de Higgs (HH). Ce processus est la porte d'entrée pour mesurer le paramètre d'autocouplage du boson de Higgs λ et donc le potentiel du boson de Higgs. Nous nous sommes concentrés sur la recherche de la production de paires de bosons de Higgs dans l'état final bbγγ [7] et l'état final bbττ [8], les deux états finaux plus sensibles. L'analyse des données complètes d'ATLAS recueillis au Run 2 du LHC n'a trouvé aucun excès par rapport au bruit de fond. Nous avons contribué aussi à la combinaison de ces résultats [9], qui a fixé une limite supérieure, avec un niveau de confiance (CL) de 95%, de 130 fb sur la section efficace de production du processus pp → HH, correspondant à 2,9 fois la prédiction SM. Le résultat implique la contrainte suivante sur le modificateur d'autocouplage du boson de Higgs κλ = λ/λSM : -1,2 < κλ < 7,2 à un CL de 95 %, ce qui constitue la contrainte la plus stricte sur les auto-interactions du boson de Higgs à ce jour.
Nous avons également commencé à analyser les premiers données du Run 3 du LHC pour une premiere mesure de la section efficace de production du boson de Higgs à √s=13.6 TeV [10], et pour la recherche de la production HH dans l'état final bbττ.


Contributions techniques

La qualité des résultats de l'expérience ATLAS nécessite un bon fonctionnement du détecteur ainsi qu'une compréhension fine des objets utilisés dans les analyses. Récemment, notre équipe s'est concentrée sur :
  • L'amélioration des performances d'identification des photons prompts et de rejection de candidats photons provenant soit de la désintégration d'un méson neutre dans une gerbe hadronique, soit de la gerbe électromagnétique initiée par un électron, pour le Run 3 du LHC. [11]
  • La caractérisation des performances de reconstruction et de marquage des jets de particules résultant de l'hadronisation d'un quark b, avec deux mesures in situ de (i) l'étalonnage de l'échelle d'énergie des jets de quark b à l'aide d'événements ttbar suivis d'une désintégration t → Wb →qqb et la masse connue du quark top [12], et (ii) l'efficacité d'identification d'un jet de quark b, en utilisant un ajustement à la distribution d'impulsion d'un muon dans un jet par rapport à l'axe du système jet + muon. [13]
  • La mesure des dommages causés par les rayonnements aux capteurs de pixels du tracker ATLAS [14, 15],  et sa mise en œuvre dans la simulation du détecteur ATLAS. Avec l'augmentation de la luminosité, les effets des dommages causés par les rayonnements ne sont pas négligeables et il sera important d'en tenir compte dans les simulations des futures phases de prise de données du LHC. Des méthodes pour rendre les simulations plus rapides sont en cours de développement par notre equipe [16]
  • La construction et le développement logiciel du futur détecteur de vertex au silicium ("ITk") de l'expérience ATLAS pour le HL-LHC. Nous travaillons sur le développement du code de numérisation des capteurs de pixels ITk, et sur la construction du détecteur à pixels d'ITk, ayant contribué au processus d'étude de marché des différents fournisseurs de capteurs et à la préparation de la prochaine phase de pré-production et de test des modules. [17]

 

FCC

Le futur collisionneur circulaire est une proposition de projet intégré de collisionneur de nouvelle génération d'environ 90 km de long proposé pour prendre le relais du LHC (Figure 2).
Il devrait débuter dans les années 2040 par une première phase électron-positon (FCC-ee) d'environ 8 ans, pour étudier en détail les propriétés des bosons électrofaibles (W, Z), du boson de Higgs et du quark top, à des énergies du centre-de-masse de 91 GeV, 160 GeV, 240 GeV et 350-365 GeV, suivies d'un arrêt pour les mises à niveau du collisionneur et des détecteurs, puis d'une deuxième phase de prise de données (FCC-hh) dans laquelle des faisceaux de protons fourniraient des collisions aux énergies du centre de masse de 100 TeV ou plus.

Figure 2. Illustration de l'emplacement potentiel du futur collisionneur circulaire au CERN, près de Genève. Sont également représentés les anneaux PS, SPS et LHC du CERN, qui feraient partie de la chaîne d'injection et d'accélération du FCC.


Contributions scientifiques

Notre équipe contribue au développement du cas physique de la phase électron-positon du futur collisionneur circulaire. Le FCC-ee offre des opportunités sans précédent pour déterminer les paramètres du boson de Higgs, avec plus de 10 millions d'événements e+e- → ZH et près de 100 000 événements WW → H produits aux énergies du centre de masse autour de 240 et 365 GeV et avec un bruit de fond beaucoup plus faible qu'au LHC, et sans effets d'empilement. Un autre avantage par rapport au LHC est lié à la connaissance complète de la cinématique des particules e+e- en collision, ce qui permet d'identifier les événements ZH avec la technique de la "masse de recul", en reconstituant les produits des désintégrations du boson Z et donc - grâce à la conservation de l'énergie et de la quantité de mouvement totale - la masse du système reculant contre le boson Z.

Au printemps 2021, nous avons réalisé les premières études de la précision que FCC-ee pouvait attendre sur la section efficace du processus ZH et sur la masse du boson de Higgs [18] et sur ses couplages hadroniques (aux quarks b et c et aux gluons), en utilisant des événements de signal et de bruit de fond générés et interfacés à une simulation paramétrique de la réponse du détecteur. Ces études initiales ont été mises à jour en fonction des différentes technologies et projets proposés pour les détecteurs FCC-ee, en optimisant les critères de sélection et les stratégies d'ajustement pour améliorer encore la sensibilité de l'analyse [19], en vue d'un "Feasibility Study Report" d'ici 2025 pour la mise à jour de la stratégie européenne pour la physique des particules, ce qui marquera l'achèvement de l'étude de faisabilité FCC-ee et permettra au Conseil du CERN de décider si le projet peut continuer avec le début du creusement du tunnel de FCC.
Depuis debut 2023 nous travaillons aussi sur le développement de simulations Geant4 d'un concept de détecteur pour FCC-ee (ALLEGRO [20]) centré autour d'un calorimètre électromagnétique à haute granularité. Nous avons développé plusieurs outils pour la reconstruction et l'identification de photons et electrons et nous les utilisons pour optimiser le dessin du détecteur pour en maximiser ses performances.

 

Membres de l'équipe

Personnel permanent Post-docs
  • Tong LI (2023-2024)
PhD students
  • Alexis MALOIZEL (1st year, PhD 2023-2026)
Cliquer ici pour le trombinoscope de l'équipe
 

Anciens post-docs

  • Giulia DI GREGORIO (2022-2023)


Anciens thésards

  • Keerthi NAKKALIL (2021-2024)
  • Qiuping SHEN (PhD 2021-2024)
  • Yulei ZHANG (2021-2023)
  • Ang LI (2020-2023)
  • Romain BOUQUET (2019-2023)
  • Reem TAIBAH (2018-2021)
  • Ahmed TAREK (2016-2019) - ATLAS Thesis award 2020
  • Ilaria LUISE (2016-2019)
  • Audrey DUCOURTHIALl (2015-2018)
  • Changqiao LI (2015-2018)
  • Dilia PORTILLO (2015-2018)
  • Stefano MANZONI (2014-2017) - ATLAS Thesis award 2018
  • Kun LIU (2011-2014) - ATLAS Thesis award 2015


Liens utiles

ATLAS

FCC


Bibliographie

[1] ATLAS Collaboration, “Observation of a new particle in the search for the Standard Model Higgs boson with the ATLAS detector at the LHC,” Phys. Lett. B716, 1–29 (2012), arXiv:1207.7214
[2] ATLAS Collaboration, "Observation of H->bb decays and VH production with the ATLAS detector", Phys. Lett. B 786 (2018) 59, arXiv:1808.08238
[3] ATLAS Collaboration, “Measurements of WH and ZH production in the H→bb decay channel in pp collisions at 13 TeV with the ATLAS detector,” Eur. Phys. J. C 81, 178 (2021), arXiv:2007.02873
[4] ATLAS Collaboration, "Measurements of the Higgs boson inclusive and differential fiducial cross-sections in the diphoton decay channel with pp collisions at √s=13 TeV with the ATLAS detector", arXiv:2202.00487
[5] ATLAS Collaboration, "A search for the Zγ decay mode of the Higgs boson in pp collisions at √s = 13 TeV with the ATLAS detector", Phys. Lett. B 809 (2020) 135754 arXiv:2005.05382
[6] ATLAS and CMS Collaborations, "Evidence for the Higgs boson decay to a Z boson and a photon at the LHC", ATLAS-CONF-2023-025
[7] ATLAS Collaboration, "Studies of new Higgs boson interactions through nonresonant HH production in the bbγγ final state in pp collisions at √s = 13 TeV with the ATLAS detector", JHEP 01, 066 (2024), arXiv:2310.12301 [hep-ex]
[8] ATLAS Collaboration, “Search for the non-resonant production of Higgs boson pairs via gluon fusion and vector-boson fusion in the bbττ final state in proton-proton collisions at √s = 13 TeV with the ATLAS detector,” Phys. Rev. D 110, 032012 (2024), arXiv:2404.12660 [hep-ex]
[9] ATLAS Collaboration, “Combination of searches for Higgs boson pair production in pp collisions at √s= 13 TeV with the ATLAS detector,” Phys. Rev. Lett. 133, 101801 (2024), arXiv:2406.09971 [hep-ex]
[10] ATLAS Collaboration, “Measurement of the H → γγ and H → ZZ∗ → 4l cross-sections in pp collisions at √s = 13.6 TeV with the ATLAS detector,” (2023), arXiv:2306.11379 [hep-ex]
[11] Q. Shen, "Constraints on Higgs Self-coupling via HH→bbγγ and Joint Interpretation of Single- and Double-Higgs Analyses Using Data Collected with the ATLAS Detector at √s=13 TeV", CERN-THESIS-2024-240
[12] ATLAS Collaboration, "Energy scale calibration of b-tagged jets with ATLAS Run 2 data using ttbar lepton+jets events", ATLAS-CONF-2022-004
[13] A. Li, Search for di-Higgs production and measurement of the Higgs boson self-coupling in the final state with a pair of b quarks and a pair of tau leptons with the ATLAS detector at the LHC, Perspectives on the measurement of the Higgs boson mass and the electron-positron to ZH cross-section at the Future Circular Collider, CERN-THESIS-2024-035
[14] ATLAS Collaboration, "Measurements of sensor radiation damage in the ATLAS inner detector using leakage currents", JINST 16 (2021) P0802, arXiv:2106.09287
[15] ATLAS Collaboration, Sensor Response and Radiation Damage Effects for the 3D Pixel in the ATLAS IBL Detector, JINST 19 (2024) P10008 (https://arxiv.org/abs/2407.05716)
[16] M. Bomben, K. Nakkalil, A lightweight algorithm to model radiation damage effects in Monte Carlo events for High-Luminosity LHC experiments, Sensors 2024, 24(12), 3976 (https://doi.org/10.3390/s24123976)
[17] K. Nakkalil, Amélioration du détecteur de traces (ITk) pour la phase haute luminosité d’ATLAS et mesure de la section efficace de production du boson de Higgs at 13.6 TeV, CERN-THESIS-2024-270
[18] P. Azzurri et al, "A special Higgs challenge: Measuring the mass and production cross section with ultimate precision at FCC-ee", https://arxiv.org/abs/2106.15438, EPJ+ Focus Point on A future Higgs and Electroweak factory (FCC): Challenges towards discovery
[19] B. Auchmann et al, "FCC Midterm Report", https://repository.cern/records/511pr-rd590 (2024)
[20] ALLEGRO web page, https://allegro.web.cern.ch/
 

Pour plus de détails

Rapport d'activité 2017-2021: https://apc.u-paris.fr/APC_CS/en/activity-report 
Liste de publications, de stages et theses dirigées et post-docs encadrés sur ATLAS et FCC: https://apc.u-paris.fr/APC_CS/sites/default/files/u666/apc_higgs_team_scientific_production.pdf