Le fond diffus cosmologique CMB

L'importance du CMB

Le rayonnement cosmologique (CMB) a une importance majeure pour la cosmologie pour plusieurs raisons:

  • il est la plus ancienne image de l’univers dont nous disposons;
  • il a un spectre de corps noir parfait;
  • il est remarquablement isotrope (son intensité est la même dans toutes les directions à 10-5 près);
  • et les faibles écarts à l'isotropie sont très riches en informations.

Le spectre de corps noir implique que la source du rayonnement est thermique, et plus précisément en équilibre thermodynamique. Sa température est actuellement très basse (-270°C ou 3 K). L'isotropie remarquable de ce rayonnement implique que sa source est beaucoup plus éloignée que la Voie lactée ou les galaxies proches. L'interprétation la plus simple est que ce rayonnement est d'origine cosmologique, qu'il remplit tout l'univers de manière quasi-homogène, et que sa température était beaucoup plus élevée au moment d eson émission. La théorie du big bang prévoit exactement ce genre de rayonnement, comme vestige d'un passé plus chaud et plus dense.

Autour de z ~1 100, soit à peu près 400 000 ans après le big bang, la température T est de l'ordre de 3 000 K, et la composition de l’univers est plutôt simple: de la matière noire (interagissant essentiellement de façon gravitationnelle), des neutrinos (eux aussi interagissant essentiellement de façon gravitationnelle à l'échelle considérée), et un plasma de photons, d'électrons et de noyaux (à 99% des protons et des noyaux d'hélium) interagissant par diffusion Compton (se réduisant à une diffusion Thomson à cette température). La physique est bien comprise: gravitation et électromagnétisme. Le refroidissement entraîné par l'expansion de l'univers conduit à la recombinaison des électrons et des noyaux en atomes neutres (l'hélium d'abord puis l'hydrogène peu après), et à la libération (découplage) des photons. Ceux-ci n'interagissant plus se propagent librement et sont toujours présents, juste refroidis par l'expansion ultérieure.

Histoire de l'univers

Hu & White, Scientific American 2004

L'origine du CMB

À très haute température, matière et rayonnement sont en équilibre thermodynamique parce que le taux de collisions (par diffusion Compton) est beaucoup plus grand que le temps de Hubble H-1 (qui mesure en quelque sorte la vitesse à laquelle change l'environnement thermique dans l'univers). L'équilibre thermodynamique a donc le temps de s'installer et de "suivre" les changements thermiques ambiants. Inversement, quand le taux de collisions devient nettement plus faible que H-1, il n’y a plus équilibre car la température ambiante change trop vite pour que les interactions entre particules puisse "suivre" le mouvement et conserver un équilibre thermodynamique.

Le taux de collision chute très vite quand la température devient assez basse pour que les photons ne puissent plus photodissocier les atomes sitôt qu'ils se forment. Le plasma ionisé est progressivement remplacé par un gaz neutre (recombinaison) avec lesquel les photons interagissent peu (découplage). Plus précisément, le taux de réaction est le produit de la section efficace de diffusion Thomson par la densité d’électrons encore libres. Celle-ci chute très rapidement quand la température passe en-dessous de l’énergie d’ionisation de l’hydrogène (13.6 eV). Mais comme il y a ~109 photons par électron, une fraction importante des atomes demeure ionisée jusqu’à T ~ 0.3 eV. Cette fraction d'ionisation Xe est donnée par l'équation de Saha qui fait intervenir la densité nB de baryons (que l’on peut calculer à partir de sa valeur actuelle), et la température T = (1+z) T0 . Il n’est donc pas difficile de calculer la fraction ionisée x en fonction de z et de nB.

Fraction d'ionisation

Fraction d'électrons libres en fonction du décalage vers le rouge z, pour 3 abondances de baryons et d'électrons (Kolb & Turner)

Remarques

  • La recombinaison n’a pas lieu quand T ~ 13.6 eV.
  • Si on définit « la recombinaison » comme le moment où 90% des électrons sont combinés aux protons (Xe=0.1), elle a plutôt lieu quand T ~ 0.3 eV soit T ~ 3700 K et  z ~ 1350.
  • Le moment de la recombinaison est essentiellement déterminé par le rapport baryons/photons. L'existence d'une asymétrie matière antimatière est cruciale, sans elle il n'y aurait pas un baryon pour 109 photons mais plutôt pour 1020 photons.
  • La recombinaison est rapide mais elle n’est pas instantanée, la "surface de dernière diffusion" possède une épaisseur Delta_z~200 formant une mince coquille.

Le libre parcours moyen des photons est l'inverse du taux de collision, et il tend par conséquent vers l’infini quand la fraction d'électrons libres tend vers zéro. Ce découplage des photons a lieu quand le libre parcours moyen des photons est de l’ordre du rayon de Hubble (l'univers devient transparent aux photons) vers z = 1100 (soit T = 3000 K).  Au sens strict le découplage survient après la recombinaison, bien que els deux termes soient souvent utilisés indifféremment. Aujourd’hui bien sûr T = 3000/1100 = 2.725 K

On peut définir une fonction de visibilité comme la probabilité qu’un photon donné ait été diffusé pour la dernière fois au temps t (ou z, ou à une distance D)

FONCTION DE VISIBILITÉ

Après le découplage Les photons se déplacent librement (ce sont des ondes planes) et leur distribution sur la surface de dernière diffusion (nombre d’onde k) va se développer en une distribution angulaire sur le ciel (moment multipolaire l). Si la recombinaison et le découplage se déroulent de la même manière et au même moment partout dans l'univers, le CMB doit avoir une intensité identique dans toutes les directions (isotropie). Les écarts à l'isotropie indiquent donc que la recombinaison s'est passée de manière légèrement différente à différents endroits.

Le spectre de corps noir

Quand les photons sont en équilibre thermique avec les électrons (et les noyaux), avant le découplage, ils ont une distribution en fréquence donnée par un spectre de Planck (ou spectre de corps noir) à la température T:

B(f) = f3 / [exp(f/T) - 1]

Après découplage, les photons n’interagissent plus, par définition, mais leur fréquence devient de plus en plus basse du simple fait de l’expansion de l’univers

f=fdec  (1+z)/(1+zdec)

Ce décalage compense exactement la variation de la température:

T = Tdec (1+z)/(1+zdec)

Bien qu’il n’y ait plus d’équilibre thermique, la distribution conserve donc une forme de Planck.

Spectre du CMB

Le spectre du CMB pourrait, en théorie, ne pas être exactement un spectre de corps noir si l'équilibre thermodynamique n'était pas parfait avant le découplage/recombinaison. Cela pourrait en particulier survenir si des mécanismes violents (annihilation ou désintégration de particules très massives par exemple) injectaient plus d'énergie à certains moments de l'histoire de l'univers que les collisions ne pourraient la redisperser.

  • Apports d’énergie à z > 107 : bremmstrahlung et double Compton ramènent à la distribution de corps noir (ce sont des mécanismes qui changent le nombre de photons), donc pas de conséquences;
  • Apports d’énergie à 107> z >105 : bremmstrahlung et double Compton sont alors inefficaces, et le nombre de photons est immuable. la distribution de Planck se généralise en distribution de Bose-Einstein avec un potentiel chimique additionnel µ;
  • Apports d’énergie à z < 105 : on n'a plus une seule distribution mais une superposition de corps noirs à des températures légèrement différentes (distorsion de Kompaneets) dont l'écart à un corps noir unique se paramétrise par un paramètre y.

Le satellite COBE a donné des limites très strictes sur les distorsions possibles du spectre de corps noir:

|µ| < 10-4 et  y < 10-5

Mais le groupe Cosmologie et Gravitation de l'APC se préoccupe plus des anisotropies angulaires du CMB que des distorsions spectrales.

Anisotropies et fluctuations angulaires

C'est l'un des principaux axes de recherche du groupe Cosmologie et Gravitation.

Anisotropies WMAP

Quelles en sont les origines? Dans un univers homogène et isotrope, un rayonnement de corps noir est partout à la même température T. 

Conditions initiales: deux possibilités (non exclusives!)

  • perturbations isocourbures, se compensant pour le rayonnement et la matière
  • perturbations adiabatiques, identiques pour pour le rayonnement et la matière

dnr/nr = dnm/nm

ce qui induit des perturbations de température

dT/T = (1/4)drr/rr = (1/3) drm/rm

Une perturbation d'un univers homogène et isotrope entraîne trois types de décalage de température (qui se superposent).

  • un changement intrinsèque de température (une compression entraîne un réchauffement), dû à des fluctuations de densité, à des défauts topologiques, etc.
  • un décalage Doppler si la source se déplace par rapport à l'observateur (une perturbation de densité   induit une perturbation de vitesse).
  • un décalage gravitationnel si la source n’est pas au même potentiel que l’observateur (effet Sachs-Wolfe) ou si la lumière traverse des potentiels variables au cours du temps (effet Sachs-Wolfe intégré ou ISW).

Sources d'anisotropie

Il est important de noter qu'à basse énergie, les interactions Compton entre photons et électrons sont indépendantes de la fréquence et elles conservent (ou restaurent) la distribution de corps noir. Les 3 mécanismes (changement intrinsèque de température, décalage Doppler et décalage gravitationnel) conservent la distribution de corps noir (ils sont achromatiques)

Les fluctuations de température ont donc une distribution de corps noir.

À ces sources "cosmologiques" de fluctuations angulaires s'ajoutent tous les avant-plans, c'est-à-dire les objets qui émettent, diffusent ou absorbent des photons à des fréquences vosines de celles du CMB, et qui modulent par conséquent l'intensité du flux reçu du CMB.

Avant-plans

Le groupe Cosmologie et Gravitation et le groupe Adamis ont consacré beaucoup d'efforts à réduire la perturbation causée par tous ces avant-plans dans l'étude du CMB.

Effet Sachs-Wolfe

Les baryons occupent de préférence les puits de potentiel creusés par la matière noire.Les photons sont fortement liés aux baryons avant le découplage, ils sont donc dans ces puits. Lors du découplage, les photons sont libérés mais ils doivent sortir de ces puits. Ils sont donc gravitationnellement décalés vers le rouge et les régions les plus denses doivent donc apparaître plus froides que la moyenne. Ce n’est pas si évident que cela, car les régions plus denses sont initialement plus chaudes que la moyenne. Mais cela ne suffit pas à compenser l’effet gravitationnel comme l'ont montré Sachs & Wolfe en 1967.

Effet Sachs-Wolfe intégré (ISW). 

Si les photons traversent des puits de potentiel constants, les décalages vers le bleu en entrée et vers le rouge en sortie se compensent. Mais si le potentiel varie pendant la traversée, la compensation ne se fait plus, il y a un décalage net. Le potentiel varie soit quand le rayonnement domine (ISW précoce) soit quand la courbure ou la constante cosmologique dominent (ISW tardif)

Sachs-Wolfe

Effet Sachs-Wolfe (Hu, Sugiyama & Silk 1996)

Dans le cas de l'lSW précoce, si le rayonnement domine encore la matière après le découplage, un puits de potentiel (de taille inférieure à l’horizon du son) se comble. Cela augmente l’énergie des photons qui s’y trouvent. On a des pics de température à des échelles un peu plus grandes que l’horizon au découplage

Dans le cas de l'ISW tardif, la matière devient dominée par la constante cosmologique (ou l'énergie du vide), et les puits de potentiel se comblent peu à peu. A ce moment, les photons ont autant de chance de se trouver dans un puits ou sur une colline, et donc d’être décalés vers le rouge ou vers le bleu. Ces décalages se compensent le long de leur parcours. Sauf pour les échelles les plus grandes où il y a moins de compensations: on attend donc des fluctuations à très grande échelle.

Amortissement diffusif (Silk damping)

La recombinaison n’est pas instantanée, il y a un régime intermédiaire où  le taux de collisions est d'ordre H-1. Les photons interagissent encore de temps en temps avec les baryons. Le libre parcours moyen des photons est l. Les fluctuations de densité des baryons sont exponentiellement amorties sur une distance l. Et il en est par conséquent de même des fluctuations de température. l  est plus petit que l'horizon à la recombinaison, les fluctuations de température sont donc exponentiellement amorties sur des échelles angulaires < 1°

La surface de dernière diffusion

Fluctuations de température de nombre d’onde k. La répartition des points chauds et froids est figée à la recombinaison. Les photons se déplacent ensuite librement

 les fluctuations spatiales se traduisent en fluctuations angulaires

Cette animation montre comment les fluctuations spatiales de température au moment du découplageoscillations) se traduisent pour un observateur aujourd'hui en fluctuations angulaires de température sur le ciel. Une onde plane (oscillante) est "figée" lors du découplage (recombination), et un observateur (ici au centre) reçoit des photons venant de plus en plus loin (streaming). La répartition des pics et des creux en k se traduit par une répartition angulaire de fluctuations de température sur la surface de dernière diffusion.

Spectre de puissance

Pour un observateur terrestre, la surface de dernière diffusion est une sphère centrée sur lui, de rayon z=1100. Il est donc naturel de décomposer en harmoniques sphériques les fluctuations angulaires de température sur le ciel, et d'utiliser les coefficients alm de cette décomposition comme mesure de l'amplitude de chacun des modes: 

Développement multipolaire

Développement multipolaire

Animation montrant la décomposition en harmoniques sphériques (indice l) des fluctuations angulaires sur la sphère céleste (en bas, une zone de 2°x2° est agrandie en haut à droite) et le spectre de puissance qui en résulte (en haut à gauche)

Comme il n'y a pas de direction préférée dans l'univers, l'indice m est irrelevant et toute l'information pertinente se trouve dans les coefficients Cl = Somme{ |alm|2 }/2l+1. La contribution l=0 est la température moyenne du CMB, la contribution l=1 est la faible anisotropie dipolaire d'ordre 10-3 (interprétée comme un effet Doppler local), et toutes les contributions l>1 (quadrupole et au-delà) sont beaucoup plus faibles encore, d'ordre 10-5. Ce sont ces contributions qui intéressent les cosmologistes car ils pensent que ce sont des fluctuations intrinsèques du CMB, préexistant au découplage et sans doute beaucoup plus anciennes, voire primordiales. D'une part, ils pensent que les fluctuations correspondante de densité de matière sont à l'origine des galaxies, des étoiles, et des cosmologistes, et d'autre part leur distribution exacte pourrait donner des indices sur les mécanismes à l'oeuvre presque au moment du big bang et donc donner un aperçu de la physique dans un domaine totalement inexploré par ailleurs.

Le spectre de puissance est simplement la distribution des valeurs de ces coefficients Cl en fonction de l. Il est habituel de porter non pas Cl mais l(l+1)Cl en fonction de l, car le spectre primordial de fluctuations proposé par Harrison et par Zeldovitch, qui semble le mieux à même de reproduire la distribution de taille des grandes structures dans l'univers, conduit à Cl ~ 1/ l(l+1) .

 

Spectre de puissance schématique

Spectre de puissance schématique

Un spectre de puissance a typiquement l'allure suivante:

  • une "montée" vers les petits l (grands angles) due à l'effet Sachs-Wolfe intégré (ISW) suivie du plateau de Sachs-Wolfe;
  • un ou plusieurs pics importants correspondant à des fluctuations de taille angulaire allant de 1° à quelques minutes d'arc (moments multipolaires l de 100 à 1000), les "pics acoustiques" sur lesquels nous allons revenir car ils sont très riches en information;
  • une décroissance de la hauteur de ces pics, et une décroissance plus générale des fluctuations de température dues aux effets d'amortissement (damping tail).

Oscillations acoustiques

Avant la recombinaison, l'univers est un plasma de baryons, d'électrons et de photons dont certaines régions sont un peu plus denses que la moyenne (fluctuations de densité). Ces régions tendent à attirer, gravitationnelement, la matière des régions un peu moins denses. Cette instabilité gravitationnelle est contrecarrée par la pression de rayonnement des photons qui tendent au contraire à repousser les baryons et les électrons. Le résultat de ces deux forces contraires est de faire osciller les nuages de gaz ionisé  entre des phases contractée, plus denses et plus chaudes, et des phases dilatées, moins denses et moins chaudes, selon un mécanisme étudié par Jeans au début du 20° siècle. Ces oscillations sonores (ce sont bien de svariations de pression dans un gaz) ou acoustiques induisent donc des variations périodiques (dans le temps et dans l'espace) de la température du rayonnement, des points alternativement chauds et froids, dont la répartition devient figée au découplage.

La distribution de ces points chauds et de ces points froids se traduit dans le spectre de puissance par des pics (et des creux), dits pics acoustiques du fait de leur origine. La forme, la taille et la position de ces pics résulte d'une physique complexe (mais bien comprise) et elles dépendent de nombreux paramètres cosmologiques (ce qui, inversement, permet de les évaluer à partir du spectre de puissance observé).

En écrivant l'équation d'évolution de ces oscillations (équation dont Hu et Sugiyama ont donné une forme simple en 1995), on obtient comme solutions des ondes acoustiques. Leur comportement en cos(Ldec/L) est différent selon que leur longueur d'onde L est supérieure ou inférieure à la taille Ldec de l'horizon sonore au moment du découplage (la distance qu'a pu parcourir une onde sonore avant le découplage). Les fluctuations de longueur d’onde supérieure à l'horizon n'oscillent pas et on retrouve l’effet Sachs-Wolfe. Celles de petite longueur d’onde sont figées, au moment du découplage, à des phases différentes de l’oscillation en cos(Ldec/L). On a ainsi des pics de fluctuation pour L = Ldec/n  (n = 1, 2, 3…).

  • Les pics impairs correspondent à des compressions (pics de température)
  • Les pics pairs à des raréfactions (creux de température)

Source des pics acoustiques

L'origine des pics acoustiques: des fluctuations de taille différente oscillent à des rythmes différents. Au moment du découplage zdec, les plus grandes sont en train de se contracter, celles un peu plus petites sont à leur contraction et densité maximales (premier pic acoustique), celles encore plus petites ont commencé à se dilater, celles encore plus petites sont à leur dilatation maximale et densité minimale, deuxième pic acoustique), et ainsi de suite... (Lineweaver 1997).

Inflation ou défauts topologique?

Si les oscillations d'une même taille angulaire, en provenance de directions différentes, sont en phase, leurs contributions s’ajoutent dans le spectre de puissance, donnant des pics très nets. Sinon, elles se compensent et les pics disparaissent.

Plusieurs mécanismes ont été imaginés pour expliquer l'existence de fluctuations primordiales de densité, dont l'inflation ou l'existence de défauts topologiques comme les cordes cosmiques. L'inflation (très schématiquement) suppose que l'univers a traversé une phase d'expansion exponentielle au cours de laquelle les inévitables fluctuations quantiques, microscopiques, ont été dilatées jusqu'à des tailles macroscopiques. Dans ce cas les fluctuations de température doivent présenter une cohérence de phase à travers tout l'univers, même sur des tailles supérieures à celle de l'horizon à la recombinaison. Les pics acoustiques sont alors en phase et bien marqués. Dans le cas de défauts topologiques, engendrés par l'absence de cohérence entre les directions de brisure d'une symétrie interne au cours du refroidissement de l'univers, les pics doivent être pratiquement absents car déphasés d'une région à l'autre de l'univers. l'observation de plusieurs pics acoustiques par les différentes observations récentes a conduit au rejet des défauts topologiques comme source des fluctuations primordiales (en tout cas comme source majeure).

Inflation ou défauts topologiques?

Les baryons 

Les baryons attirent dans les puits et renforcent les pics de compression (impairs) comparés aux pics de raréfaction (pairs). Le deuxième pic est d’autant plus bas comparé au premier que la quantité de baryons est importante. Les premières mesures de Boomerang indiquaient un 2° pic très bas (à peine visible) ce qui conduisait à une densité de baryons deux fois plus élevée que la valeur donnée par la nucléosynthèse, et en contradiction avec celle-ci. Le désaccord a disparu ensuite, et WMAP a confirmé que la densité de baryons mesurée est (presque) la même pour la nucléosynthèse et le CMB.

Paramètres cosmologiques

La forme précise du spectre angulaire de fluctuations dépend de

  • la courbure spatiale de l’univers
  • la densité d’énergie noire
  • la densité de matière baryonique
  • la densité de matière noire
  • la vitesse H0 d’expansion de l’univers
  • l’amplitude initiale des fluctuations de densité
  • l’indice spectral du spectre de puissance P(k)
  • la normalisation et l’indice spectral d’éventuelles perturbations tensorielles
  • la masse et le nombre de familles de neutrinos
  • le moment de la réionisation
  • les paramètres caractérisant la quintessence, les défauts topologiques, etc.

Effet des variations de courbure spatiale sur l'allure du spectre de puissance

La courbure spatiale détermine la position des pics du spectre de puissance.

Une fluctuation qui n'a eu le temps que d'effectuer une demi-oscillation au moment du découplage a une longuer d'onde juste égale à taille de l'horizon du son. Sa taille physique à cet instant est donc connue, et sa distance est également connue: z=1100. Cela donne un triangle de base et de hauteur données, mais l'angle au sommet dépend de la géométrie de l'espace: il est plus petit que la valeur euclidienne si la courbure de l'espace est négative, et il est plus grand si la courbure est positive. Cet angle est observé: c'est la position du premier pic acoustique, ce qui permet d'estimer la courbure de l'espace.

Effet des variations de la densité de matière sur l'allure du spectre de puissance

La densité de matière détermine la hauteur des pics.

 

Effet des variations de la densité de baryons sur l'allure du spectre de puissance

La densité de baryons détermine la hauteur relative des pics.

Le travail du cosmologiste-observateur (à en croire Hu et Dodelson, ARAA 2002) est donc de partir des données brutes d'une observation au sol, en ballon ou en satellite, d'établir les cartes du ciel correspndantes, de les convertir en spectre depuissance et enfin d'en extraire les paramètres cosmologiques (dans le cadre d'un modèle donné):

Le travail du cosmologiste

En attendant les premiers résultats de la mission Planck, les résultats actuels les plus précis sont ceux du satellite WMAP à grande échelle angulaire, complétés par un éventail de mesures au sol ou sous ballon pour des échelles angulaires plus petites (pour lesquelles une couverture du ciel plus réduite n'est pas un inconvénient, mais dont la résolution angulaire ou la sensibilité sont par contre meilleures).

Spectre de puissance du CMB

De là, on peut extraire de très importants résultats sur la courbure spatiale de l'univers, sur la quantité totale de matière et sur la quantité de matière baryonique.

Principaux résultats de l'observation du spectre de puissance

Principaux résultats de l'observation du spectre de puissance (Peacock 2003)

Il n'est pas possible d'extraire tous les paramètres cosmologiques du seul spectre de puissance car il existe des dégénérescences entre eux: plusieurs cominaisons différentes de paramètres conduisent au même spectre (surtout en tenant compte de la précision nécessairement limitée des mesures). Par exemple, il est  possible de compenser une diminution de la quantité de matière par une augmentation de la constante cosmologique (ou énergie du vide), ou par une augmentation de la constante de Hubble H0.

Dégénérescence Matière-Constante cosmologique

Dégénérescence Matière-Constante cosmologique dans l'analyse du CMB: l'ajustement du spectre de puissance de WMAP conduit à des contours (à 1 ou 2 sigmas) dans le plan {Omega_Lambda, Omega_m}

Dégénérescence matière-Constante de Hubble

Dégénérescence Matière-Constante de Hubble (h=H0/100 km/s/Mpc) dans l'analyse du CMB.

Si h est connu par ailleurs (par exemple par les supernovae du HST key project), on peut lever la dégénérescence et donner une estimation de la quantité de matière dans l'univers. On peut aussi la lever si une autre méthode conduit à une dégénérescence différente de paramètres (par exemple l'accélération de l'expansion indiquée par les supernovae lointaines donne une autre ellipse d'erreur dans le plan {Omega_Lambda, Omega_m}.

Paramètres du modèle de concordance (WMAP++++)

La polarisation

La présence d’anisotropies dans le plasma lors de la recombinaison engendre une polarisation – extrêmement faible – du rayonnement. 

WMAP Carte de polarisation

Carte de polarisation donnée par WMAP

L'origine en est la polarisation d'un photon quand il diffuse sur un électron (diffusion Thomson): il ressort polarisé dans la direction orthogonale au plan de diffusion.

Polarisation par diffusion Thomson

Mais bien sûr, le rayonnement reçu est la superposition d'un très grand nombre de semblables diffusions. Pour qu'il y ait polarisation nette du rayonnement reçu, il faut que les fluctuations de densité et de température engendrent au moins un flux quadrupolaire.

Polarisation par un dipole          Polarisation par un quadrupole

À gauche, flux dipolaire : excédent de photons (rouge) venant du haut, déficit (bleu) venant du bas. Mais la polarisation horizontale totale est égale à la polarisation verticale : pas de polarisation du signal. À droite, fluxquadrupolaire : excédent de photons venant du haut et du bas, déficit venant de la gauche et de la droite. La polarisation horizontale totale est supérieure à la polarisation verticale : signal polarisé.

Les densités de perturbation induisent des mouvements dans le plasma. Il y a donc des gradients de vitesse, et ils sont responsables du quadrupole qui engendre la polarisation. Par suite, il ne peut y avoir de polarisation à une échelle supérieure à l'horizon. Cela explique aussi pourquoi la polarisation du CMB est extrêmement faible, et n'a été que très récemment détectée. EN 2001, WMAP a publié le spectre croisé température-polarisation plutôt que le spectre de polarisation lui-même trop sensible aux erreurs systématiques. Mettre à jour avec WMAP 3 ans.

  • Les pics de température correspondent aux extrema des densités, modulés par les extrema des vitesses (qui sont déphasés de π/2)
  • Les pics acoustiques de polarisation correspondent aux seuls extrema des vitesses, ils sont plus nets et ils sont déphasés de π/2 par rapport aux pics de température

Spectre de puissance température polarisation

Spectres de puissance pour la température (T), la polarisation (E), et le spectre croisé (T-E) montrant que les pics de polarisation correspondent aux creux de température. Noter que les polarisations sont beaucoup plus faibles que les fluctuations de température.

En principe, la mesure du spectre de puissance des fluctuations de température permet d'estimer le spectre croisé température-polarisation.

Polarisation mesurée par WMAP

Spectre de puissance des fluctuations de polarisation du CMB mesurées par WMAP (barres d'erreur) comparée à la prédiction (courbe rouge) effectuée à partir de la mesure des fluctuations de température.

Polarisations E et B

La décomposition de la polarisation en harmoniques sphériques est compliquée par le fait que ce n’est pas un scalaire. En pratique on utilise des combinaisons linéaires bien choisies de la décomposition de la polarisation linéaire (et circulaire), telles qu’elles soient invariantes par rotation et de parités définies (E est de parité paire et B de parité impaire)

Modes E et B de polarisation

Modes E et B de polarisation

Les sources scalaires de perturbation ne conduisent qu’à des polarisations E. L’observation de polarisations B primaires sera donc la signature de sources tensorielles comme des ondes gravitationnelles. Mais on s'attend à ce que la polarisation B soit considérablement plus faible que la polarisation E, elle-même déjà difficile à mettre en évidence. La figure suivante montre ce qui est attendu pour le satellite Planck (les rectangles gris, mauves et oranges étant les erreurs attendues pour le spectre de température, de polarisation E et de polarisation B), dans l'hypothèse optimiste où la polarisation B serait à un niveau détectable.

Spectre de puissance attendu pour Planck

Spectre de puissance attendu pour Planck

Réionisation

Un univers empli d'hydrogène neutre ne serait pas très transparent, car les atomes d'hydrogène peuvent s'exciter en absorbant des photons. Pour expliquer la transparence de l'univers, Gunn et Peterson ont supposé en 1965 qu'une partie importante de cet hydrogène avait sans doute été réionisé après la recombinaison. En effet, les photons ne sont pas absorbés mais diffusés par un plasma, et les diffusions deviennent rares quand le plasma est très dilué. La cause de cette réionisation était attribuée aux rayons ultraviolets émis par une première génération d’étoiles massives (Population III) formée entre z~20 et z~6.

Les quasars relativement proches (z<6) montrent une "forêt" Lyman alpha dans leur spectre, c'est--dire une série de raies d'absorption avant le pic d'émission de la raie Lyman alpha, interprétées comme dues à l'absorption de cette longueur d'onde par nuages d'hydrogène neutres situés le long de la ligne de visée (donc à des z inférieurs). Le simple fait d'observer cette "forêt" indique qu'il n'y a presque pas d'hydrogène neutre diffus dans l'univers à ces décalages vers le rouge. Par contre, les quelques quasars observés juste au-dessus de z=6par le SDSS en 2001 montrent une absorption quasi-totale de la raie Lyman alpha, indiquant que l'univers était alors beaucoup moins réionisé. La théorie disant que la réionisation est rapide, cette observation semble indiquer que la réionisation a dû commencer vers z~8-10 et être quasi-complète vers z~6.

Forêt Lyman alpha

Une "forêt" Lyman alpha montrant l'absorption de la raie Lyman alpha d'un quasar lointain (à z=2.536) par un grand nombre de nuages d'hydrogène neutre le long de la ligne de visée.

Cependant la diffusion des photons du CMB par la plasma après la réionisation induit des anisotropies secondaires (i.e. post-recombinaison). Celles-ci ont tendance à estomper les fluctuations primordiales à petite échelle angulaire, mais par contre elles induisent des anisotropies de polarisation. Celles-ci dépendent du moment où la réionisation commence, et les réusltats présentés en 2003 par WMAP semblèrent indiquer un début de réionisation entre z=11 et z=30 (avec z = 17 comme valeur préférée). Le désaccord avec les analyses de l'effet Gunn-Peterson a entraîné de nombreuses spéculations, mais les données sur 3 ans de WMAP présentées en 2007 indiquent une réionisation commençant vers z~11 et se terminant vers z~7.

Topologie

Sur les plus grandes échelles (de l'ordre de 60° sur le ciel) les fluctuations de température observées, tant par COBE que par WMAP, sont plus faibles que prévues. Il est possible de ce soit juste un effet de variance cosmique, c'est-à-dire qu'il n'y a pas assez de zones de cette taille dans le ciel pour fournir un échantillon statistiquement significatif. Il pourrait alors simplement s'agir d'un hasard, une fluctuation statistique sans signification particulière. Mais plusieurs équipes y ont vu une indication d'une taille finie de l’univers.

La position du premier pic acoustique est compatible avec un univers spatialement plat (courbure Omega_k=0), mais la valeur préférée par l'ajustement est en fait légèrement positive (Omega_k=0.02±0.02), donnant un univers fermé mais de taille nettement plus grande que la partie visible de l'univers (l'intérieur de l'horizon).

Luminet et ses collaborateurs ont suggéré en 2003 que l'univers pourrait être fermé mais avec une topologie particulière analogue à celle d'un tore (que l'on peut concevoir comme un rectangle dont les côtés opposés sont identifiés, ce qui sort par la gauche rentre par la droite comme sur certains anciens jeux vidéos). Ils proposent une topologie un peu plus complexe, celle du dodécaèdre de Poincaré dont les faces opposées sont identifiées (à une rotation près).

La proposition a été très controversée, mais plusieurs analyses (recherche de cercles homologues, présence decorrélations angulaires en particulier) sont en cours pour la valider ou la réfuter.

La mission Planck

L'étude des anisotropies du fond diffus cosmologique (généralement appelé CMB, pour Cosmic Microwave Background) est un des meilleurs accès aux phénomènes qui se sont déroulés dans l'univers primordial. Le s'implique profondément dans les programmes de mesures des anisotropies du CMB, en participant activement depuis 14 ans à la mission spatiale Planck de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), dont le lancement a eu lieu le 14 mai 2009. L'analyse des résultats de cette mission formera le coeur de l'activité du groupe dans les années qui viennent.

Mission Planck

Après Planck

Au-delà, nous considérons que l'avenir du domaine tournera autour de la mesure des polarisations de type B des anisotropies (donnant accès à l'inflation) et aux effets mesurables grâce à une très grande résolution angulaire. Notre objectif est de construire un savoir-faire instrumental sur le premier de ces créneaux et nous donner la possibilité de proposer une contribution majeure au futur satellite (ESA et/ou NASA) de mesures des anisotropies polarisées de type B du CMB, satellite dont on peut envisager un lancement aux alentours de 2020.

Qubic

Dans ce but, nous participons, au sein d'une collaboration internationale France-Italie-Royaume Uni, à l'ambitieux programme Qubic de mesures des anisotropies polarisées de type B à l'aide d'un interféromètre millimétrique, dont un premier prototype pourrait être installé à la station Concordia (IPEV-PNRA) à l'automne 2009.