- La question de l'énergie noire
- Les supernovae
- Les oscillations acoustiques baryoniques
- L'astronomie "grand champ"
- LSST
La question de l'énergie noire
L'essentiel (70%) de la densité d'énergie de l'univers semble due à une "énergie noire" de nature inconnue, peut-être une forme de la constante cosmologique introduite par Einstein en 1917. Pour l'étudier, tout un éventail de techniques complémentaires est mis en oeuvre, des supernovae lointaines aux comptages de galaxies.
Le contenu matériel de l’univers
Le rayonnement électromagnétique (la lumière visible comme les ondes radio ou les rayons X) est pratiquement notre seule source d’information sur l’univers, mais il contribue très peu à son contenu matériel, ou plus exactement à sa densité d’énergie. La matière ordinaire, celle dont la Terre est formée tout comme nous, contribue beaucoup plus. On l’appelle matière baryonique, car les baryons (protons et neutrons) en représentent l’essentiel de la masse, les électrons avec lesquels ils forment des atomes étant 2000 fois plus légers. Mais l’essentiel de la matière se trouve sous la forme d’une « matière noire » qui n’est connue qu’indirectement, par ses effets gravitationnels sur la matière lumineuse (la seule visible). Après quelques doutes initiaux, il est désormais acquis que la matière noire n’est pas une forme obscure de la matière baryonique.
Mais l’essentiel de la densité d’énergie est aujourd’hui sous la forme d’une énigmatique « énergie noire » dont on ne sait rien, sinon qu’elle accélère l’expansion de l’univers, ce que ni la matière baryonique ni la matière noire ne peuvent faire. Quantitativement, les proportions sont les suivantes :
Différentes contributions à la densité totale d'énergie de l'univers.
Observations
Ces résultats inattendus reposent sur l’observation de supernovae très éloignées, et, indirectement, sur l’observation du fond de rayonnement cosmologique (CMB) et des amas de galaxies.
Les supernovae sont des étoiles qui explosent et deviennent pendant quelques jours aussi lumineuses que toute une galaxie. On peut donc les voir de très loin et leur luminosité intrinsèque (surtout pour celles de type Ia) est remarquablement constante, ce qui en fait d’excellents marqueurs de distance. En observant leur luminosité apparente, on déduit leur distance, et en la comparant à leur décalage vers le rouge (diagramme de Hubble), on mesure directement le ralentissement — ou l’accélération — de l’expansion.
Diagramme de Hubble des supernovae de SNLS (Astier et al. A&A 447-31, 2006) pour deux répartitions de la densité Ωm de matière et de la densité ΩΛ d’énergie noire.
Les supernovae lointaines sont moins lumineuses que prévu, donc plus éloignées, ce qui correspond à une expansion plus rapide. L’observation des amas de galaxies implique la présence de beaucoup de matière noire (Ωm~0.3), qui ralentit l’expansion et doit être compensée par beaucoup d’énergie noire (ΩΛ~0.7)pour aboutir à une accélération.
Ces conclusions sont corroborées par une source toute différente : les fluctuations angulaires de l’intensité du fond de rayonnement millimétrique d’origine cosmologique (CMB). La taille caractéristique de ces fluctuations, de l’ordre de 1° sur le ciel, est corrélée avec la courbure spatiale de l’univers, que l’on trouve compatible avec zéro. Ceci conduit à une seconde relation entre densité de matière et densité d’énergie noire(Ωm=1-ΩΛ), qui recoupe la précédente et confirme le « modèle de concordance ».
Contours expérimentaux pour la densité ΩΛ d’énergie noire et la densité Ωm de matière, tels que les donnent les observations de supernovae (SNe), du CMB et des amas de galaxies (BAO) selon Kowalski et al. (Ap.J.686-749, 2008).
Explications diverses
La présence de matière noire embarrasse les théoriciens, d’une part parce que rien en physique ne suggérait l’existence de cette énergie noire, et d’autre part parce qu’il est troublant que sa valeur ΩΛ soit aujourd’hui proche de 1, tout comme celle de la matière noire, alors que ce sont des quantités qui évoluent très rapidement : a priori elles pourraient l’une ou l’autre être beaucoup plus petites. L’explication la plus simple, mais de moins en moins probable, est que les supernovae sont plus diverses qu’on le pensait, et que les plus éloignées (qui sont aussi les plus anciennes) sont intrinsèquement moins lumineuses.
Une deuxième possibilité, elle aussi moribonde, est que la région d’univers que nous explorons soit un peu moins dense que la moyenne et de ce fait se dilate plus vite. Une troisième possibilité repose que sur la fait que la cosmologie du big bang suppose l’univers homogène à grande échelle pour en déduire sa géométrie moyenne. Mais la gravitation est une théorie non-linéaire et la géométrie moyenne d’une densité inhomogène n’est pas identique à la géométrie de la densité moyenne : les termes correctifs pourraient simuler l’effet d’une énergie noire.
Enfin, si cette énergie noire existe bel et bien, une alternative demeure : soit elle est constante dans le temps et dans l’espace (c’est l’équivalent de la constante cosmologique d’Einstein) et sa valeur observée proche de 1 est une pure coïncidence, soit elle varie dans l’espace et surtout dans le temps, et d’ingénieux mécanismes (quintessence en particulier) ont été avancés pour résoudre presque naturellement l’irritant problème des coïncidences numériques. Mais cela exige d’aller au-delà du modèle actuel de la physique des particules et d’introduire de nouvelles particules, de nouvelles forces ou de nouvelles dimensions de l’espace-temps. L’énergie noire serait alors le sommet d’un iceberg de toute une nouvelle physique.
De vastes programmes d’observation des supernovae, du CMB et des galaxies sont en cours pour tenter de trancher entre ces différentes possibilités.
Les supernovae
Les programmes de recherche systématique de supernovae de type Ia ont permis de mettre en évidence la contribution de l'énergie noire au bilan énergétique de l'Univers. Nous avons participé aux programmes EROS puis SNLS.
Les SNIa
Diagramme de Hubble, accélération récente (suivant une décélération)
Résultats
Projets SN(AP) etc.
Les oscillations acoustiques baryoniques
Le groupe s'applique maintenant à l'étude des oscillations acoustiques baryoniques résultant du découplage matière-rayonnement (qui a également donné le CMB). C'est une autre manière d'accéder aux propriétés de l'énergie noire, et le groupe participe au programme BOSS du relevé SDSS-III (Sloan Digital Sky Survey).
L'astronomie "grand champ"
Le terme "grand champ" fait référence aux instruments employés, des télescopes ayant un champ de vue de plusieurs degrés carrés (la Pleine Lune ne mesure que 0.2 degré carré).
LSST
Pour aller plus loin, nous avons choisi, avec trois autres laboratoires de l'IN2P3, de proposer une participation au programme LSST de relevé de galaxies sur 20 000 degrés carrés avec un télescope de 8.4 m de diamètre capable d'imager tous les trois jours l'intégralité du ciel autral dans six bandes de fréquences. Ce programme devrait permettre de contraindre les propriétés de l'énergie noire avec une précision inégalée.