La cosmologie
- La théorie du big bang
- Une brève histoire de l'univers
- Le CMB
- La matière baryonique
- La matière noire
- L'énergie noire
- L'origine des grandes structures (galaxies et amas)
- Pour en savoir plus
La théorie du big bang
Tout un faisceau d'observations indiquent que l'univers est en expansion, que la matière est distribuée de manière presque uniforme à grande échelle (et qu'elle est essentiellement composée des éléments les plus légers, l'hydrogène et l'hélium), et qu'elle baigne dans un bain de rayonnement électromagnétique pour l'essentiel formé d'un rayonnement thermique remarquablement isotrope, à une température de 2.7 K.
Ces observations s'accordent avec l'idée que l'expansion de l'univers s'accompagne de son refroidissement, qu'il a traversé dans le passé une période assez chaude pour que les atomes soient ionisés (le rendant ainsi opaque au rayonnement), et auparavant une période assez chaude pour que des fusions thermonucléaires forment les éléments les plus légers (mais période trop courte pour permettre que se forment des éléments plus lourds qui se sont formés bien plus tard, dans les étoiles).
Remontant encore plus loin dans le temps, les densités d'énergie et la température tendent (selon la théorie classique de la relativité générale) vers l'infini, ce qui définit une singularité où la théorie cesse d'être valide. Cette singularité fut -avec ironie- baptisée le "big bang", le grand boum par l'astrophysicien Fred Hoyle (qui défendait l'idée d'un univers éternellement identique à lui-même).
Fred Hoyle (1915-2001)
L'idée d'un univers en expansion fut avancée, indépendamment, par Alexandre Friedmann en 1922 et par Georges Lemaître en 1925 sur la base théorique de la relativité générale et l'hypothèse d'un univers uniforme à grande échelle, avant d'être confirmée par les observations d'Edwin Hubble à partir de 1929.
Alexandre Friedmann (1888-1925)
Georges Lemaître (1894-1966)
L'idée que l'univers avait traversé une période chaude (expliquant la surabondance des éléments légers) est due à George Gamow en 1948. Il en a déduit, avec ses élèves Alpher et Hermann, que cela impliquait la présence actuelle d'un rayonnement thermique refroidi, qui fut détecté en 1965 par Arno Penzias et Robert Wilson.
George Gamow (1904-1968)
Une brève histoire de l'univers
En relativité générale, un univers de densité uniforme se dilate de manière homothétique. Son expansion se paramétrise donc par un "paramètre d'échelle" a(t), qui augmente au cours du temps: a~t1/2 quand la densité d'énergie provient essentiellement du rayonnement, a~t2/3 quand elle provient essentiellement de la matière. La température T de l'univers diminue, elle, au cours du temps (une expansion adiabatique implique T~1/a). À des températures dépassant 10000 K (1 eV), le rayonnement domine la densité d'énergie, et cède la place à la matière à des températures plus basses.
La longueur d'onde d'un rayonnement électromagnétique émis quand le paramètre d'échelle avait la valeur a1 et reçu quand il a la valeur a0 est allongée dans la rapport a0/a1. Ce "décalage vers le rouge" z est une quantité que l'on mesure directement, et il donne donc directement la valeur du paramètre d'échelle a(t)=a0/[1+z] ou d ela température T(t)=T0[1+z] où T0=2.7 .
Décroissance de la température depuis le big bang
À très haute température, la densité d'énergie est telle qu'aucune structure ne peut survivre, qu'il s'agisse d'une galaxie, d'un atome ou d'un noyau atomique. L'univers est alors un fluide quasi-homogène de rayonnement et de matière (quarks et leptons) en équilibre thermodynamique. Son expansion entraîne son refroidissement, et quand la température passe en dessous de 200 GeV, les quarks se condensent en protons et en neutrons. Quand ceux-ci se rencontrent, ils peuvent former des noyaux de deutérium, mais ils baignent au milieu de très nombreux photons (un milliard de photons par proton ou neutron) qui dissocient les noyaux de deutérium aussitôt ceux-ci formés. C'est le premier goulot d'étranglement du processus de nucléosynthèse.
Quand la température devient inférieure à 1 MeV (une minute après le big bang), les photons sont incapables de photodissocier le deutérium. Celui-ci peut alors survivre, et accréter d'autres neutrons et protons, formant du tritium, de l'hélium 3, de l'hélium 4. Un deuxième goulot d'étranglement limite considérablement la formation du lithium 6 et 7, du bore 8 et 9 et du béryllium 10.
Schéma du réseau des réactions de nucléosynthèse pendant le big bang
La nucléosynthèse primordiale s'interrompt trois minutes après le big bang quand la température devient trop faible pour permettre des réactions thermonucléaires. Elle s'interrompt avant la formation du carbone 12 (troisème goulot d'étranglement car cette formation exige des collisions entre trois noyaux d'hélium, qui ne peuvent prendre place que dans le milieu très dense du coeur des étoiles massives).
La température est cependant beaucoup trop élevée pour que les électrons puissent s'accocier aux noyaux pour former des atomes, le milieu est ionisé, et les photons sont sans cesse diffusés, absorbés et réémis, ce qui les empêche de se propager: le milieu est opaque, comme dans un brouillard ou comme l'intérieur du Soleil.
L'univers continue à se refroidir, jusqu'à ce que la température descende en dessous de 3000 K (z=1100), à peu près 380 000 ans après le big bang. À ce moment, la température est assez basse pour que la plupart des électrons soient associés à des noyaux, et la fraction des atomes qui demeurent ionisés devient insuffisante pour empêcher les photons de parcourir de grandes distances: le milieu est devenu transparent à la lumière. On parle de "recombinaison".
À peu près à la même époque (un peu avant en fait, à z=10000 quand la densité d'énergie cesse d'être dominée par le rayonnement), la matière commence à se rassembler et à former des structures. un univers absolument homogène resterait toujours homogène, mais non un univers présentant de très légères variations locales de densité. Les régions légèrement plus denses que la moyenne tendent à attirer -gravitationnellement- la matière des régions légèrement moins denses. Le contraste de densité augmente au cours du temps, aboutissant à la formation des étoiles, des galaxies et des amas de galaxies.
Histoire (thermique) de l'univers
La question de l'absence d'antimatière à grande échelle demeure posée.
Le CMB
Le CMB (Cosmological microwave background) est le reliquat du fond de rayonnement présent lors de la recombinaison en atomes des électrons et des noyaux. L'univers devenant alors rapidement transparent au rayonnement, les photons alors présents n'ont qu'une très faible probabilité d'être absorbés ou diffusés, et ils sont toujours autour de nous aujourd'hui, formant littéralement une "image" de l'univers âgé de 380 000 ans. Seulement l'expansion de l'univers a dilaté leur longueur d'onde d'un facteur 1100, réduisant la température du rayonnement de 3000 K à 2.73 K. Mais cette expansion n'a pas altéré le spectre (la distribution de l'énergie en fonction de la longueur d'onde) qui est demeuré un spectre thermique, un spectre de Planck parfait.
Spectre du CMB comparé à celui d'un corps noir
Les photons du CMB viennent de toutes les directions, et l'intensité de ce flux est la même dans toutes les directions (la distribution est isotrope). Ou presque: le flux est de quelques millièmes plus intense dans la direction du Lion, et de quelques millièmes plus faible dans la direction opposée. Ce "dipôle" est attribué à un effet Doppler dû au mouvement de la Terre. Mais il existe des fluctuations d'ampleur beaucoup plus faible, de quelques millionièmes, sur des tailles angulaires allant de quelques degrés à quelques minutes d'arc, et moins encore.
Fluctuations de température du CMB vues par le satellite WMAP
Ces fluctuations angulaires sont attribuées à des fluctuations primordiales de la densité du rayonnement et de la matière, ces mêmes fluctuations que l'on supposent être à l'origine des grandes structures de l'univers. Avant la recombinaison, les fluctuations de la densité du rayonnement et celles de la matière étaient couplées, et après la recombinaison, celles du rayonnement sont restées intactes alors que celles de la matière se sont creusées en raison de l'instabilité gravitationnelle. L'observation des fluctuations angulaires du CMB permet ainsi de contrôler le modèle de formation des galaxies.
Spectre de puissance (amplitude des fluctuations angulaires en fonction de leur taille angulaire)
L'amplitude des fluctuations en fonction de leur taille angulaire (leur spectre de puissance) permet également de retracer une grande partie de l'évolution de l'univers depuis la recombinaison et nous informe sur sa densité moyenne actuelle et sa géométrie. L'augmentation depuis une décennie de la précision avec laquelle est connu ce spectre de puissance a permis de beaucoup mieux connaître notre univers, ...et soulevé de nouvelles questions.
Le CMB est un rayonnement électromagnétique, qui peut donc être polarisé. La théorie le prévoit,mais elle prévoit aussi que sa polarisation est très faible. Elle n'a été que récemment découverte.
La matière baryonique
La matière que nous connaissons est la matière "baryonique", formée de baryons (protons et neutrons), et d'électrons. Nous pouvons en estimer directement l'abondance, en comptant le nombre d'étoiles, de galaxies et d'amas de galaxies, et en estimant leur masse. Cette procédure n'est cependant pas sensible aux formes non lumineuses de matière, et sous-estime donc l'abondance de matière baryonique. La nucléosynthèse primordiale en donne une autre estimation car les abondances relatives des éléments légers, deutérium, hélium 3 et hélium 4, lithium 6 et 7 dépendent chacune de manière sensible de la proportion des baryons et de photons: les observations concordent avec une proportion de 0.6 baryon pour 1 milliard de photons. Le nombre de photons étant essentiellement donné par le CMB, 400 par cm3, cela fixe à son tour la densité de baryons (de l'ordre d'un baryon par 4 m3).
Contraintes cosmologiques sur la quantité de baryons dans l'univers. Les courbes sont les prédictions du modèle du nucléosynthèse primordiale pour le sabondances d'hélium 4, de deutérium et d'hélium 3, et de lithium 7. Les rectangles en pointillés blancs (1 écart standard) et jaunes (2 écarts standards) sont les extrapolations des observations actuelles de ces noyaux, la zone en dégradé bleu est la prédiction de la nucléosynthèse pour l'abondance actuelle de baryons (en fraction ΩB de la densité critique sur l'échelle du haut, en rapport baryons/photons sur l'échelle du bas). Le rapport entre la hauteur de sdeux premiers pics du spectre de puissance des fluctuations du CMB donne une évaluation indépendante de cette quantité, représentée ici par le rectangle brun étiqueté WMAP. Elle est un peu supérieure à celle donnée par la nucléosynthèse, quoique marginalement compatible.
La matière noire
Le rayonnement électromagnétique (la lumière visible comme les ondes radio ou les rayons X) est pratiquement notre seule source d’information sur l’univers, mais il contribue très peu à son contenu matériel, ou plus exactement à sa densité d’énergie. La matière ordinaire, celle dont la Terre est formée tout comme nous, contribue beaucoup plus. On l’appelle matière baryonique, car les baryons (protons et neutrons) en représentent l’essentiel de la masse, les électrons avec lesquels ils forment des atomes étant 2000 fois plus légers. Mais l’essentiel de la matière se trouve sous la forme d’une « matière noire » qui n’est connue qu’indirectement, par ses effets gravitationnels sur la matière lumineuse (la seule visible). Après quelques doutes initiaux, il est désormais acquis que la matière noire n’est pas une forme obscure de la matière baryonique. Mais l’essentiel de la densité d’énergie est aujourd’hui sous la forme d’une énigmatique « énergie noire » dont on ne sait rien, sinon qu’elle accélère l’expansion de l’univers, ce que ni la matière baryonique ni la matière noire ne peuvent faire. Quantitativement, les proportions sont les suivantes :
L'existence éventuelle d'une quantité importante de matière "invisible" directement, mais indirectement décelable au travers de ses effets graviationnels a une longue histoire.
Neptune, Vulcain
Zwicky
Courbes de rotation des galaxies
Amas de galaxies
- Zwicky et la dynamique
- l'émission X
- les effets de lentille gravitationnelle
Formation des grandes structures
MOND?
L'énergie noire
La présence inattendue de l'énergie noire repose sur l’observation de supernovae très éloignées, et, indirectement, sur l’observation du fond de rayonnement cosmologique (CMB) et des amas de galaxies.
Les supernovae sont des étoiles qui explosent et deviennent pendant quelques jours aussi lumineuses que toute une galaxie. On peut donc les voir de très loin et leur luminosité intrinsèque (surtout pour celles de type Ia) est remarquablement constante, ce qui en fait d’excellents marqueurs de distance. En observant leur luminosité apparente, on déduit leur distance, et en la comparant à leur décalage vers le rouge (diagramme de Hubble), on mesure directement le ralentissement — ou l’accélération — de l’expansion.
Diagramme de Hubble des supernovae (Astier et al. A&A 447-31, 2006) pour deux répartitions de la densité Ωm de matière et de la densité ΩΛ d’énergie noire.
Les supernovae lointaines sont moins lumineuses que prévu, donc plus éloignées, ce qui correspond à une expansion plus rapide. L’observation des amas de galaxies implique la présence de beaucoup de matière noire (Ωm~0.3), qui ralentit l’expansion et doit être compensée par beaucoup d’énergie noire (ΩΛ~0.7)pour aboutir à une accélération.
Ces conclusions sont corroborées par une source toute différente : les fluctuations angulaires de l’intensité du fond de rayonnement millimétrique d’origine cosmologique (CMB). La taille caractéristique de ces fluctuations, de l’ordre de 1° sur le ciel, est corrélée avec la courbure spatiale de l’univers, que l’on trouve compatible avec zéro. Ceci conduit à une seconde relation entre densité de matière et densité d’énergie noire(Ωm=1-ΩΛ), qui recoupe la précédente et confirme le « modèle de concordance ».
Contours expérimentaux pour la densité ΩΛ d’énergie noire et la densité Ωm de matière, tels que les donnent les observations de supernovae (SNe), du CMB et des amas de galaxies (BAO) selon Kowalski et al. (Ap.J.686-749, 2008)
La présence de matière noire embarrasse les théoriciens, d’une part parce que rien en physique ne suggérait l’existence de cette énergie noire, et d’autre part parce qu’il est troublant que sa valeur ΩΛ soit aujourd’hui proche de 1, tout comme celle de la matière noire, alors que ce sont des quantités qui évoluent très rapidement : a priori elles pourraient l’une ou l’autre être beaucoup plus petites.
L’explication la plus simple, mais de moins en moins probable, est que les supernovae sont plus diverses qu’on le pensait, et que les plus éloignées (qui sont aussi les plus anciennes) sont intrinsèquement moins lumineuses.
Une deuxième possibilité, elle aussi moribonde, est que la région d’univers que nous explorons soit un peu moins dense que la moyenne et de ce fait se dilate plus vite.
Une troisième possibilité repose que sur la fait que la cosmologie du big bang suppose l’univers homogène à grande échelle pour en déduire sa géométrie moyenne. Mais la gravitation est une théorie non-linéaire et la géométrie moyenne d’une densité inhomogène n’est pas identique à la géométrie de la densité moyenne : les termes correctifs pourraient simuler l’effet d’une énergie noire.
Enfin, si cette énergie noire existe bel et bien, une alternative demeure : soit elle est constante dans le temps et dans l’espace (c’est l’équivalent de la constante cosmologique d’Einstein) et sa valeur observée proche de 1 est une pure coïncidence, soit elle varie dans l’espace et surtout dans le temps, et d’ingénieux mécanismes (quintessence en particulier) ont été avancés pour résoudre presque naturellement l’irritant problème des coïncidences numériques. Mais cela exige d’aller au-delà du modèle actuel de la physique des particules et d’introduire de nouvelles particules, de nouvelles forces ou de nouvelles dimensions de l’espace-temps. L’énergie noire serait alors le sommet d’un iceberg de toute une nouvelle physique.
De vastes programmes d’observation des supernovae, du CMB et des galaxies sont en cours pour tenter de trancher entre ces différentes possibilités.
L'origine des structures (galaxies et amas de galaxies)
Les structures (galaxies, amas, filaments)
Contrastes de densité (spectre P(k))
Instabilité gravitationnelle
Fluctuations primordiales
Horizon/sub-horizon
Sigma8
etc.
Pour en savoir plus
- Initiation à la cosmologie, Marc Lachièze-Rey (Dunod 2004).
- Cosmologie primordiale, Jean-Philippe Uzan et Patrick Peter (Belin 2005).
- Principes de cosmologie, James Rich (École Polytechnique 2002), disponible en ligne en PDF.
- Le portail de la cosmologie de Wikipedia.